Le culte des étoiles

Rendre le culte, c’est le fondement même de la culture locale. Comme dirait le Père Cadiére, le grand historien de Hué : « A Hué, tout n’est que croyances et superstitions ». Un siècle après, et malgré 50 ans de communisme, rien n’a changé. J’ai calculé qu’en moyenne les gens de hué rendent le culte plus de 3 fois par mois : les célébrations pour la lune, pour les génies de la terre, du ciel, de la cuisine (ong tao), et bien sur, toutes les cérémonies en l’honneur des ancêtres de la famille. A chaque fois, on prépare des mets, on achete des objets votifs, on s’équipe en batons d’encens, de fleurs etc.. Tout doit suivre un protocole strict. Les cérémonies ont lieu à bonne date et à l’heure propice. Pourquoi rendre le culte ? Tout simplement pour s’attirer les bons auspices du ciel et de ceux qui y résident ! Bonheur, Chance et Argent sont le trio gagnant de ces cérémonies. Seuls les catholiques ne les pratiquent pas.


Nombreux sont les aliments et objets utiles pour le culte. Dans les seaux, des poissons chats (ca tre) et des coquillages (hen)

Parmi ces cérémonies, il en est une que j’ai découverte récemment, par hasard : le culte des étoiles. Il se célèbre une fois par an, quelques jours après le Têt. La configuration des étoiles change chaque année et un livre donne toutes les indications à ce sujet. Suivant votre année de naissance, la configuration des planètes et des étoiles pourra ne pas vous être favorable. Il faudra donc redoubler de vigilance et rendre le culte avec plus de convictions – ou d’offrandes. On peut en sourire, mais c’est évidemment un sujet très sérieux pour ceux qui le pratique.

Dans le cas present, le culte a démarré vers 23 heures. Il est probable qu’il ait duré une bonne heure avec l’incinération des objets votifs (le feu permet de transférer vers l’au-delà les objets).

La plupart des gens délègue ce culte à ceux qui ont l’habitude de le pratiquer. Dans ce cas, on achete des longues feuilles de papier sur lesquelles sont dessinés des personnages représentants la famille bénéficiaire du culte : la mere, le père et les éventuels enfants. Le nom de chacun est repris sur les feuilles, pour ne pas que les esprits se trompent.

Sur la table d’offrandes, les bougies symbolisent les planètes. Les objets votifs disposés derriere les bougies représentent chacune une planète. A l’arriére, d’autres objets votifs représentent le trône et les objets associés (coiffe de mandarin, bottes, parasols..), pour marquer le caractère sacré du culte.


L’officiant. avec des bagues impressionnantes

L’officiant revêt ses plus beaux habits du culte qui ressemblent à ceux vus pour le culte de la déesse mere. On remarquera d’ailleurs les impressionnantes bagues en ambre. C’est un professionnel du culte et il est entouré d’un assistant qui ressemble à un moine bouddhiste (mais qui n’en n’est pas un).

Le tout est accompagné d’une musique assez forte, des psalmodies de l’officiant à l’aide d’un micro, le tout rythmé par une petite clochette bien sympathique.

Un article de Géo sur les maisons jardins de Hué

Les maisons jardins de Hué font l’objet d’un article dans le magazine Géo du mois de février 2024.


Kim Lan avec ma femme, lors de l’une de nos visites..

Ces maisons sont emblématiques de Hué depuis toujours. Autrefois, elles appartenaient surtout aux membres de la famille royale et aux mandarins travaillant à la citadelle pour les rois de la dynastie Nguyen (1802-1945).


L’interieur de la maison principale

Aujourd’hui, il en reste tres peu, car la pression foncière et l’inadaptation de ces maisons aux contraintes modernes en ont fait disparaitre beaucoup.


Un peu plus loin, dans le jardin de Kim Lan, une maison traditionnelle dédiée à ses ancêtres

L’article de Géo met à l’honneur notre amie Kim Lan qui dépense beaucoup d’énergie à préserver ce patrimoine local. Pas seulement à magnifier sa maison jardin mais aussi à remettre à l’honneur l’art de vivre rattaché à ces maisons.

L’article de Géo en pdf :
Géo-Fevr-2024-Hue.pdf

Lire aussi l’article publié sur ce blog en 2023 :

Le parc abandonné « Thuy Tien », c’est (presque) fini !

Ce parc est l’activité phare des touristes branchés en voyages à Hué ! On en parle depuis des années, et même le 20h de France 2 en a parlé au mois d’aout dernier.

Il s’agit en fait d’un parc d’attraction ouvert en 2004 sur une trentaine d’hectares dans la banlieue de Hué, au milieu d’une foret de pins. Un cadre de verdure très sympa.

A l’origine, ce lac a été creusé par les moines du monastère bénédictin installé sur la colline toute proche. Ce monastère a été fondé en 1940 et est toujours en activité. L’eau servait notamment à alimenter une plantation d’orangers, toute proche aussi, dont la vente permettait au monastère de vivre. Le domaine est tellement grand qu’il a fait des jaloux et les moines ont du se séparer à contre cœur de la majeure partie de leur terrain (1).

Le parc a donc ouvert mais, faute de visiteurs, a vite fermé. Le prix élevé des tickets d’entrée ne permettait pas aux gens de Hué d’y aller. Le parc a fait faillite rapidement. L’investisseur n’en n’a pas eu fini pour autant. Le démontage a été laborieux et plusieurs accidents ont eu lieu. Il a fallu recourir a de nombreuses séances d’offrandes pour calmer les « esprits ». Si la plupart des installations a été démontée, il en reste un certain nombre. En l’espace de quelques années, le délabrement des installations a fini par faire le bonheur de chasseurs d’urbex !

Le dragon est la pièce centrale du parc. Il est immense, fait en béton, avec un accès par l’intérieur à la gueule de la bête ! Autant dire que les photographes adorent, surtout lorsque le monstre resplendit au soleil !

En été, l’effet est moins glamour. Le lac est en effet souvent à sec et la désolation est totale.

La société exploitante ayant fait faillite, la ville a repris le parc. Les installations seront détruites après le Tet et un nouvel espace de promenade sera mis en place. Une affaire à suivre donc…

(1) ; je vous recommande d’aller découvrir le monastère Thien An, accessible notamment durant les offices la semaine à 7h25. Thien An signifie « Paix du Ciel ». La plupart des 76 moines parlent français.

Traditions locales de Hué : du pain cuit au four à bois

Certes, un four à bois n’est peut être pas la tradition la plus spectaculaire ou la plus spécifique à Hué, mais cela reste plaisant à voir.


Le boulanger en train de retourner les pains à mi cuisson. A l’arrière, le stock de bois.

C’est d’autant plus notable qu’à ma connaissance, il n’en reste plus qu’un en ville, dans le quartier de Kim Long.

Tradition amenée par les français, le pain s’est popularisé il y a quelques décennies seulement. Le pain est resté pendant longtemps un met d’exception, comme on peut encore le constater dans les repas de mariage. Dans ce cas là, le pain est présenté comme un accompagnement bien en vu pour certains plats en sauce.

Aujourd’hui, le pain est partout et popularisé avec 2 traditions bien ancrées : le fameux « Banh Mi O pla », pour le petit déjeuner (pain avec un oeuf « au plat »), et surtout avec le non moins fameux sandwich vietnamien.

Mais revenons à notre artisan qui travaille, comme toujours ici, en famille. Il y a 2 fournées par jour. La première commence à1h30 du matin. Il faut 1 heure pour préchauffer le four avec des buchettes de bois. Apres un long travail de préparation, les bâtons de pain sont enfin enfournés et cuisent pendant 15/20 minutes. L’expérience de l’artisan fait la différence car il n’y a pas d’indication de température sur le four. A mi cuisson, il faut retourner les pains car la chaleur ne vient que du bas…La deuxième fournée commence à 14h pour fournir en pain tous les petits écoliers qui sortent de l’école vers 16h. Notre boulanger utilise 2 sacs de farine par jour, soit 50 kilos. Son four à pain existe depuis 30 ans.

Il est notable de constater que le prix de son pain est le même qu’avec un four électrique, en usage partout ailleurs. Malgré l’inflation de ces derniers mois, un petit pain à Hué vaut 2000 dongs, soit moins de 8 centimes d’euros.

Son pain est il meilleur ? Cela reste un pain très léger, mais meilleur que les autres.


La boulangerie attenante, qui prépare les sandwichs à l’heure de pointe, vers 16h

Traditions locales de Hué : le Xam Huong, un jeu d’autrefois..

Avec cet article, j’ouvre une nouvelle page dans mon blog. Il s’agit d’évoquer les traditions locales, les petits métiers, les activités traditionnelles.. Car ici comme ailleurs, les traditions risquent de se perdre et il est important pour les futures générations de connaitre leurs racines!

Et je commence cette chronique avec un article sur un jeu autrefois populaire qui se nomme le « Xam Huong ».

On ne connait pas très bien l’origine du jeu, certains disent qu’il est né en chine, tandis que d’autres revendiquent sa création au Vietnam durant la dynastie Nguyen. Quoi qu’il en soit, il était très joué par la famille royale mais aussi par tous les enfants du quartier de la citadelle il y a encore 40 ans.

Mr Lo, aujourd’hui agé de plus de 70 ans, nous déclare y avoir joué durant toute son enfance. Et c’est en souvenir de ce bon vieux temps qu’il a décidé d’en re-fabriquer il y a une vingtaine d’années.

C’est un jeu de hasard pur sur le thème des concours littéraires. Rappelons qu’autrefois ces concours étaient ouverts à tous, étaient organisés tous les 3 ans et permettaient aux meilleurs d’obtenir le statut très envié de mandarins civils. Dans un pays ou l’instruction était hautement valorisée, ces concours étaient l’événement de l’année et réunissaient des milliers de candidats pour peu d’élus. Jugés archaïque par les français, ils ont finalement été supprimés et le dernier a eu lieu à Hué en 1919.

Mais revenons à notre jeu : il comporte 6 dés, et le chiffre 4 est en rouge. C’est la sortie de ce chiffre et certaines combinaisons des autres dés qui permettent d’obtenir des plaquettes de plus ou moins grandes importances. On joue à tour de rôle jusqu’à épuisement des plaquettes. Le vainqueur est celui qui obtient le score le plus élevé.


Durant le jeu, avec Monsieur To, seul à encore fabriquer ce jeu à Hué

Les niveaux des plaquettes sont les suivantes : lettrés du village (grade 1 et 2), de la province, puis les 3 niveaux de docteur (Tham Hoa, Bang Nhan et Trang Nguyen).

Pour plus de plaisir, il faut être 6 à jouer. Pour le tester, nous avons joué à 4 et un tour prend environ 10 minutes.. Nous avons joué pour le plaisir sachant que les vietnamiens jouent toujours de l’argent.

Les plaquettes étaient faites autrefois en ivoire pour la famille royale, en bambou pour les autres. A présent, on les fabrique principalement en os de buffle.

Le prix du jeu va de 20 à 100 euros suivant les matériaux utilisés (plastique, bois, os). A défaut d’être un jeu captivant, les plaquettes forment un bel ensemble esthétique.