Escapade à Quy Nhon ! Partie 4, la presqu’ile

L’objectif premier de mon escapade à Quy Nhon était de pouvoir marcher le long de la côte et découvrir les sites et ports de pèche disséminés ici ou la. Car les vues aériennes de cette partie du Vietnam sont à couper le souffle..

Mais il fallait bien me rendre à l’évidence, au vietnam, rien n’est fait pour la marche. Soit les sentiers n’existent pas, soit la côte est privatisée.


L’arrivée sur le site de Nhon Hai, par temps d’orage!

Je commence néanmoins mon escapade par ce qui me semble le plus authentique, le port de Nhon Hai, au sud de la presqu’ile. C’est à environ 1 heure de moto de la ville (il existe aussi des bus publics) et les derniers kilomètres se font sur une 4 voies ! La descente vers le village est impressionnante avec une vue magnifique sur la mer et un gros rocher qui protège le port.

C’est un petit port de pèche et, en cette saison (début octobre), il n’y a aucun touriste. Il n’y a pas de port proprement dit ni de jetée, les bateaux mouillent au large. Les pécheurs utilisent des paniers ronds pour faire les allers et retours.


Une partie du village de pécheurs de Nhon Hai


Ambiance de bretagne!

L’endroit est bucolique, se baigner est très agréable, on peut déguster des banh xeo et boire de la bière locale. Evidemment ici, personne ne parle anglais. Le kilo de langouste est à 1,2 millions, soit 45 euros.


Coquillage et oursins en retour de pèche

Il y a quelques petits hôtels et avoir une chambre face à la mer est magique.


« J’aime ma patrie! » un peu de propagande ne fait pas de mal!

Je voulais aller voir la pointe sud de la presqu’ile. Mais le promoteur Merryland a complètement privatisé cette espace de plus de 200 hectares ! Un resort Marriot devrait sortir de terre un jour, même si le projet global semble au ralenti. Impossible d’aller également au port de Hai Minh comme indiqué dans un article précédent. Le reste du sud de la presqu’ile est une immense zone industrielle en cours de développement.

J’ai tenté ma chance en allant vers le nord. Les collines en hauteur du bord de mer sont riches en panneaux solaires et en éoliennes. L’accès ne semble pas possible.

J’ai tenté ma chance plus au nord, à Nhon Ly. Le village est assez ordinaire, bien que des âmes généreuses aient commencé à peindre et décorer quelques ruelles qui accèdent à la plage. Celle-ci part à gauche et on aimerait bien la suivre sur les 9km de sa longueur. Mais un gardien stoppe le passage dès l’entrée dans la zone du resort FLC Luxury Resort Quy Nhon. Pourtant, cet immense et magnifique resort est … fermé en cette saison. Encore un hôtel fantôme.


Le port de Nhon Ly. Au fond, l’immense resort FLC Quy Nhon

A droite de la plage, on peut grimper sur les rochers.. il y a un semblant de chemin et la vue est superbe. En contrebas, des pécheurs sont installés en pleine mer dans des bateaux ronds très instables.. Bonne chance à eux ! Sur la pointe, la vue est superbe.. enfin on respire!


La côte escarpée au depart de Nhon Ly

Le village est aussi le point de départ des sites de Eo Gio et Ky Co. Encore des sites privatisés et donc payants que je décline. Sur la place de parking au depart de l’attraction d’Eo Gio, il y a un hotel dans le style de Santorin avec un faux moulin à vent en haut.. le Vietnam n’a t il rien à offrir de typique? En revanche, je vous recommande la visite de la pagode juste à coté.

L’arrière du village de Nhon Ly est un vaste chantier mené par FLC. Autour d’un golf, on y construit à la vitesse de tortue des villas qui semblent abandonnées aussitôt construites…

Pour conclure cette expérience, je dirais que la côte est magnifique.. en photos aériennes.. Dommage ! Mais bon, n’étant resté sur place que 2 jours, je reste preneur de conseils sur les éventuels endroits accessibles..


Vue aérienne du site de Nhon Ly et Eo Gio (photo internet)

Escapade à Quy Nhon ! Partie 3, l’ancien séminaire de Lang Song

Voila un bel endroit assez inattendu. Il est en effet rare au Vietnam de voir la promotion touristique pour un établissement catholique.

L’endroit s’appelle « Tiểu chủng viện làng sông », littéralement « petit séminaire du village fluvial ». Les petits séminaires existaient en nombre autrefois au Viêtnam, comme en France. Village fluvial, car le site est situé le long d’un fleuve qui se jette dans la mer à 3km de là. Il ne faut pas oublier qu’autrefois, tous les transports se faisaient en bateau.

L’endroit est à une douzaine de kilomètres du centre ville et facilement localisable. Il est pourtant en pleine campagne mais proche d’un axe routier important qui ne demande qu’à se développer.. L’ensemble est magnifique et fait plus de3 hectares, au milieu des rizières.

Lorsqu’on accède au séminaire, on s’attend à voir de jeunes prêtres.. Mais non, ici, il y a que des religieuses ! Le séminaire lui, a déménagé en 1968, et les bâtiments ont été confiés en 2012 à une nouvelle congrégation catholique diocésaine, « les Servantes de Jésus de la Miséricorde ». Plus de 140 jeunes sœurs et postulantes vivent ici. En à peine 10 ans d’existence, c’est impressionnant !

Les bâtiments font office de maison-mère provisoire, et de centre de formation. Beaucoup de religieuses se préparent à occuper des fonctions éducatives dans les jardins d’enfants des communautés catholiques.

L’accueil est chaleureux mais une seule sœur parle anglais. Aux heures d’ouverture, on peut faire le tour des bâtiments, se reposer dans le jardin magnifique. Il y a même une boutique souvenir. Les plus chanceux pourront visiter la chapelle. Tous les bâtiments sont dans un état impeccable.

La première implantation du séminaire date des années 1860, à la fin de la persécution des catholiques par le roi Tu Duc. Mais c’est aussi et surtout l’une des premières imprimeries catholiques du Vietnam, avec l’impression d’ouvrages en Quoc Ngu, la langue romanisée du vietnamien. Les arbres les plus anciens ont été plantés en 1892.

Les bâtiments actuels datent des années 20-30, avec un style en voute d’ogive, habituelle à l’époque. De nombreux missionnaires français sont passés par la.


Photo internet extraite du site https://quynhontrip.com/tieu-chung-vien-lang-song/

Ce bel endroit mérite quelques recherches de ma part ! À suivre donc !

Escapade à Quy Nhon ! Partie 2, le port

Le port de pèche de Quy Nhon est un endroit fascinant, une ruche en constante effervescente et surtout accessible aux visiteurs.


Entrée du port de pèche de Quy Nhon. A l’arrière, le port des marchandises

L’accès se fait par la rue Tran Hung Dao, en face du numéro 39. On arrive sur une jetée qui matérialise l’entrée du port de pèche.

Dans l’enceinte du port, à droite de l’entrée, on voit une myriade de petits bateaux qui transportent des passagers pour le port de Hai Minh et tous les sites autour. Les scolaires payent 10 kvnd par trajet, les touristes un peu plus..


Transport des passagers vers Hai Minh


Vente des poissons d’élevages encore vivants

Un peu plus loin, on avance sur la jetée.
Toute la journée, des bateaux très colorés, petits ou grands, ne font qu’entrer et sortir du port. Certains d’entre eux s’arrêtent à la jetée pour faire une provision de glace, d’eau et de provisions avant un départ prolongé en mer.


Chargement de la glace


Certains préfèrent la glace « pillée ».. les machines utilisées ont des « dents » de 7cm…

Sur cette même jetée, il y a aussi souvent un bateau qui transporte passagers et marchandises vers le port de Nhon Chau, l’ile de Cu Lao Xanh, située à 20km au sud de Quy Nhon. Hélas, il n’est pas autorisé à prendre des étrangers.


Le bateau pour l’ile de Cu Lao Xanh, transportant aussi des cercueils!

A l’intérieur du port, vers la gauche, on accède au marché de poissons. Les bateaux de pèches arrivent là pour décharger leur cargaison. C’est très rapide quand ils ont eu le temps de trier le poisson par catégorie, un peu plus long sinon.. C’est un ballet incessant dans un brouhaha et une agitation toute vietnamienne. Un bazar indescriptible qui vaut le détour !


Il est midi et pourtant encore beaucoup d’agitation… ici la « criée » est au sens littéral..

C’est mieux d’y aller le matin pour profiter du soleil pour faire des photos..

Apres 2 heures à observer les allers et venus, je suis allé en bateau à Hai Minh. La traversée prend une quinzaine de minutes, un peu plus si le bateau descend des passagers ailleurs.

Etonnement, le port de Hai Minh n’est accessible que par la mer. Comme tous les petits ports vietnamiens, c’est sale et d’un intérêt touristique limité. Mais on peut néanmoins marcher jusqu’en haut de la colline ou domine une immense statue de Tran Hung Dao, le héros vietnamien qui a, en 1288, chassé les envahisseurs mongols dans la bataille navale mémorable de Bach Dang.


Le port de Hai Minh, depuis la terrasse de la statue de Tran Hung Dao

Un peu plus loin, on peut descendre vers une jolie crique très ensoleillée. Au vue des restes de coraux, le snorkeling doit être valable à proximité.

Escapade à Quy Nhon ! Partie 1, la ville

Quy Nhon est sur la cote centrale du Vietnam, à 8 heures de train de Hué. La gare elle-même est Dieu Tri, à une dizaine de kilomètre de la ville.

Quy Nhon est une petite ville comparée à Hué. C’est surtout un port de pèche important et une baie magnifique entourée de collines verdoyantes et d’une cote rocheuse digne de la Bretagne du nord (le soleil et la chaleur en plus !). La plage fait plus de 4km de long…


Au port de pèche de Quy Nhon

Il y a peu de touristes étrangers ici. Et les touristes vietnamiens y sont présents seulement durant les vacances scolaires, de juin à aout. L’ambiance y est donc très locale. La plage longe toute la ville, c’est formidable. Les étudiants de l’université n’ont qu’à traverser la rue pour aller se baigner. Le soir, l’ambiance est familiale. C’est très différent des villes cosmopolites comme Danang ou Nha Trang.


Vue de la ville depuis la terrasse de l’hotel Anya

Comme partout dans les grandes villes au Vietnam, il y a une quantité astronomique de cafés.
Mais on retrouve le Vietnam traditionnel à travers la présence encore nombreuses d’échoppes sur les trottoirs. Au vietnam, depuis 15 ans, les municipalités font la chasse aux restaurants de rues qui envahissent les trottoirs. Ici, cela ne semble pas le cas. Du coup, il n’y a que l’embarras du choix pour se restaurer ! Ville portuaire, on peut déguster partout des fruits de mer, des oursins aux langoustes.. Avis aux amateurs !

Et Quy Nhon, c’est aussi la ville des Banh Xao, ces petites crêpes vietnamiennes riches en calamars ou en crevettes. On s’en régale avec un mesclun de salades locales et surtout la saveur des lamelles de mangues vertes. Chaque crêpe coute 10 kvnd (0.35 euros). Parfois, on peut aussi vous proposer des jus de légumes ou de fruits, c’est délicieux. Je n’oublierais pas la bière locale qui porte le nom de la ville.


Les Banh Xeo aux calamars avec la bière locale

Pour le petit déjeuner, on retrouve aussi des crêpes très légères (banh xeo vo), à base de riz ramolli durant la nuit. Elles sont dorées quelques secondes à la poêle pour leur donner une forme de crêpe. A 3 centimes d’euro la crêpe, on peut en profiter !


Les fameuses crepes pour le petit déjeuner..

Il y a 15 ans, il n’y avait aucune tour dans la ville. A présent, elles sont nombreuses, la plupart étant des hôtels de luxe. La société de construction et d’hôtels FLC est partout en ville. Son fondateur est réputé pour sa capacité à corrompre. Il dort à présent en prison.

Nul besoin de loger dans ces hôtels pour aller boire un verre au « skybar » ou prendre quelques photos d’en haut. J’ai testé les hôtels L’Amor (18 étages, piscine infinie superbe), Anya (24 étages) et surtout l’hôtel Grand Hyams, qui, avec ses 41 étages, est la plus haute tour de la ville. Le bar est en terrasse et la vue est panoramique.. L’hôtel ne compte que « 306 chambres » et, comme tous les autres, on se demande comment une telle capacité hôtelière peut exister.. Pour les photos, il faut mieux y aller vers 16h car les collines environnantes font disparaitre le soleil très vite..


Vue la partie sud ouest de la ville, depuis le haut de l’hotel Grand Hyams


Vers le port de Quy Nhon et la presqu’ile, en face

Pour éviter un service impersonnel, il vaut mieux choisir le homestay Song Suoi, la perle de Quy Nhon pour les étrangers en mal de rencontres. Ici, l’accueil est chaleureux, on y parle anglais parfaitement et la décoration est soignée. C’est à 200m de la plage et à proximité immédiate de tout commerce. Que demander de plus ?!

Apres la bouffe et les hôtels, il est temps de parler un peu culture et histoire. Pour les amateurs de vieilles pierres comme moi, on sera un peu déçu. Il n’y a plus aucune maison de l’époque française en ville. En revanche, les maisons de style modernistes (> 1960) sont assez courantes sans être exceptionnelles. L’un des bâtiments le plus ancien de la ville semble être la cathédrale catholique, construite en 1938.


Vue de la cathédrale de Quy Nhon, depuis les 41 étages de l’hotel Grand Hyams

Le musée de Quy Nhon est petit mais présente quelques pièces Cham de qualité. Pas facile de se concentrer sur les collections quand vous avez autour de vous 150 gamins des écoles qui n’ont qu’une question à vous hurler dessus « what’s your name ? ». Il faudrait quand même un jour apprendre autre chose aux enfants…


Sculpture Cham au musée local

Mais pour moi, le meilleur de la ville est son port !

Culture asiatique : l’autorité parentale

Voila un sujet que les touristes de culture occidentale ne soupçonnent pas quand ils visitent le vietnam : la prépondérance de la famille et la puissance parentale. Il faut vivre à proximité immédiate d’une famille asiatique pour s’en rendre compte.

Je ne parlerai dans cet article que de l’autorité parentale qui reste, à ce jour, extrêmement forte.

La soumission aux parents est le trait culturel le plus marqué au vietnam, comme dans tous les pays sinisés. La tradition confucéenne est au cœur de toutes les mentalités asiatique. Il faut se plonger dans le code Gia Long, au debut de la dynastie Nguyen (>1802), pour y comprendre les différences avec notre culture. Certes l’évolution de la société et de la loi a modifié bien des choses, mais les mentalités restent profondément ancrées dans ces principes immémoriaux. L’école continue de promouvoir les valeurs traditionnelles et, de fait, la société change peu.

Au Vietnam donc, on n’agit pas contre l’autorité parental. Jamais. Ce serait un manque de respect et une offense terrible.


Les vœux du Tet présentés au chef de famille

Le mariage

Par exemple, ce sont les parents qui valident ou non le mariage. Les raisons d’un refus peuvent émaner d’une différence de richesses entre les familles, de facteurs superstitieuses (incompatibilité liée aux dates de naissance ou aux signes astrologiques) ou simplement parce que les parents n’aiment pas le prétendant ou sa famille. Et dans ce cas, les enfants s’exécutent et se séparent ! L’amour est un critère apparu tardivement en Asie, et il ne se substitue pas complètement à la primauté de la famille.
Je me rappelle ma demande de mariage aux parents de ma femme. J’y étais allé la fleur au fusil, comme on pourrait le faire en occident. Simple formalité ? pas si sure.. Ma future femme était un peu tendue et écoutait la discussion sans intervenir. Certes, les étrangers ont plutôt bonne presse au Vietnam et il serait difficile d’empêcher un mariage. Mais les parents de futurs conjoints vietnamiens peuvent poser leurs conditions : rester vivre au vietnam, acheter une maison au préalable, vivre à proximité des parents etc.. Dans mon cas, j’ai du subir un interrogatoire auquel je n’étais pas préparé.. Heureusement tout s’est bien terminé.

La continuité de la famille, notamment pour assurer le culte des ancêtres, est fondamentale. La mariage n’a pas l’aura qu’il peut avoir en occident, avec d’abord une belle cérémonie civil à la mairie. Ici, pendant très longtemps, c’est resté du domaine du privé. De même, dans nos pays judéo chrétiens, on se marie pour la vie, qu’on ait ou pas des enfants. Ici, ce qui est important est d’avoir des enfants. Ainsi, il était possible de prendre une concubine, de répudier sa femme ou de divorcer en cas d’absence d’enfants, mais aussi d’adopter très facilement.
Pendant la guerre du Vietnam, les vietnamiens du nord qui s’infiltraient au Sud avaient le droit d’avoir une deuxième famille. Aujourd’hui encore, avoir une postérité est plus important que tout le reste. Les enfants ont les mêmes droits, même hors mariage.

Respect ou soumission ?

Dans les relations intra familiales en occident, on peut parler de respect et d’équilibre des droits et devoirs de chacun. Les enfants doivent respecter leurs parents et réciproquement.
En Asie, ce n’est pas si simple. A celui de respect, on lui substitue celui de soumission. Les enfants n’ont pas véritablement de droits. Et dans les faits ils ont surtout des devoirs.

Le code Gia long est très instructif sur ce plan. Il n’y a pas, par exemple, de majorité légale à laquelle les enfants peuvent s’émanciper. Toute leur vie et tant que les parents sont en vie, ils doivent se soumettre au bon vouloir des parents.

Aujourd’hui, les choses ont peu évolué. Dans une famille, les enfants peuvent pester devant les exigences des parents, mais aucun n’osera défier l’autorité parentale. Quand les parents (surtout le père) décident, les enfants exécutent. Quand on a 15 ans, on peut encore le comprendre, mais quand on a 50 ans ! Compte tenu du l’augmentation du niveau d’instruction, de la modernisation de la société et de l’allongement de la durée de vie, on peut facilement imaginer le supplice pour les enfants. Essayer d’imaginer un instant devoir obéir comme un petit enfant à des parents âgés de 90 ans !

Ce principe n’est pas remis en question dans la société, je le vois tous les jours dans ma famille. Mais cela conduit à des comportements d’évitements comme le mensonge et la dissimulation. Car il est facile d’imaginer que ce pouvoir exorbitant des parents peut aboutir à des abus de tout ordre. Pour les enfants, ce sera les servitudes ménagères. Pour les adolescents, ce sera le choix des études qui pourra leur être dicté. Pour les jeunes adultes, ce sera l’impossibilité de quitter le domicile parental avant le mariage. Plus tard, ce sera la disponibilité immédiate qu’il faudra offrir à ses parents à la moindre requête.

Le code Gia Long était très clair sur le sujet. Le premier devoir des enfants était d’aimer leurs parents. Cela devait être un renoncement de soi même et cela exigeait le sacrifice totale d’une vie ! On est loin de l’obligation toute platonique du droit français du respect et de l’honneur à apporter à ses parents !

Subvenir aux besoins de ses parents

Subvenir aux besoins de ses parents est aussi un trait culturel profondément ancré ici. Combien de fois ai-je entendu ces propos de la part d’étudiants : « je veux travailler pour aider financièrement mes parents ». Dans bien des familles, avoir des enfants est l’assurance d’avoir une bonne retraite. Envoyer de l’argent à ses parents n’est pas, comme on pourrait le croire en occident, une action volontaire, c’est une obligation. C’est, d’une certaine manière, rembourser tous les frais d’éducation supportés par les parents durant le jeune âge. Les plus critiques – ou lucides – disent qu’un enfant nait ici avec une énorme dette qu’il passera toute sa vie à rembourser…
Certes, l’amélioration des conditions de vie et la mise en place de pensions de retraite atténuent un peu ce coté peu attrayant de la culture locale. Mais je me souviendrais toujours de la pression exécrable de certains parents vis-à-vis de leurs enfants pendant les confinements du covid ou ceux-ci, privés d’emplois et donc de revenus, ne pouvaient plus envoyer d’argent.

Le fils ainé, des devoirs en plus

Le fils ainé a des responsabilités supplémentaires par rapport au reste de la fratrie. C’est lui qui devra s’occuper de ses parents, voire des grands parents, lors de leurs vieux jours. Ainsi on voit des gens en pleine réussite professionnelle, souvent loin de chez eux, qui doivent du jour au lendemain revenir à la maison familiale pour s’occuper de leurs ainés. Et ils reviennent avec femme et enfants, abandonnant souvent leur activité professionnelle antérieure pour se consacrer à 100% à leur devoir de fils ainé. La belle fille doit suivre et c’est à elle en général a qui revient les taches ménagères et la préparation des repas. On peut imaginer facilement quelle épreuve cela peut constituer ! Comme les gens vivent de plus en plus longtemps, cette période forcée d’inactivité sociale est de plus en plus difficile à vivre. Les confidences sont rares, mais les cas d’alcoolisme ou de dépression existent.
En compensation, le fils ainé hérite de la maison de ses parents et de quelques biens qui doivent financer le cout des cérémonies de culte après le décès des parents.

Tout cela est accepté par les enfants et jamais ils se plaindront en public ni même devant leurs parents. De fait, les parents peuvent ne pas se rendre compte de la souffrance de leurs enfants. C’est le règne du non-dit.

La seule évolution notable est le rôle de la femme et de la mère dans la société vietnamienne. Autrefois, la mère avait peu d’instruction et restait souvent en retrait. Aujourd’hui, c’est elle qui tien les cordons de la bourse, et gère efficacement tous les aspects de la vie familiale. De nos jours, les femmes sont modernes, travaillent souvent et s’occupent de l’éducation des enfants. Mais s’il faut prendre des décisions importantes, c’est quand même l’homme qui décidera.

Ainsi est la culture vietnamienne…

A lire aussi sur le sujet :
– La puissance paternelle dans le droit annamite, Ho Dac Diem,
– Le code Annamite, traduction d’Aubaret, sur Gallica

Il y a 120 ans, le typhon qui détruisit la ville de Hué

Le cataclysme qui est survenu hier au nord Vietnam (typhon Yagi) nous rappelle que les typhons sont nombreux et violents au Vietnam.

A 120 ans d’intervalle jour pour jour, Hué connaissait aussi son typhon le plus violent de son histoire récente. C’était le dimanche 11 Septembre 1904.

Grace à la presse disponible sur Gallica, on peut se replonger dans ce qui fut un effroyable cataclysme naturel. Que cet article soit un hommage à tous ceux qui, à l’époque, ont tout perdu. Qu’il soit aussi là pour nous rappeler que les changements climatiques ne feront que renforcer la puissance destructive de la nature.

Un cataclysme inattendu

La semaine se terminait pourtant bien. La ville venait de passer plusieurs jours à célébrer le cinquantenaire de la reine mère, l’impératrice Hoang Thai Hau, mère de l’empereur Thanh Thai. Plusieurs cérémonies festives avaient eu lieu dans la citadelle avec de nombreux dignitaires, français et indochinois, venus des quatre coins du pays.

En 1904, Hué est la capitale de l’Annam, mais sous la direction des français. Ceux-ci règnent en réalité en maitre depuis 1885, après la signature forcé d’un traité de protectorat puis le « guet- apens de Hué ». La ville ne doit pas compter plus de 40.000 âmes dont quelques centaines de français, essentiellement des militaires et quelques fonctionnaires.

A cette époque de l’année, on est à la fin de l’été et les récoltes de riz sont imminentes. Le mois de Septembre est un mois de transition, avant la saison des pluies.

La pluie commence à tomber peu avant la nuit du samedi au dimanche. Personne ne s’attend à un typhon. Très vite, les inondations se forment. La situation empire le lendemain pour se transformer en cataclysme entre midi et 16h. Quatre heures de cauchemar qui vont aboutir à un désastre jamais égalé depuis 1855, date du dernier typhon dévastateur.

La ville est méconnaissable, tous les arbres sont à terre, toutes les maisons annamites sont détruites, tous les bâtiments en brique sont endommagés. Seuls quelques édifices à terrasse sont épargnés.
Le nouveau pont de fer, voulu et inauguré par Paul Doumer en 1900 voit 4 de ses 6 travées retournées et gisants au fond de la rivière des Parfums. Chacune des travées, d’une longueur de 65 mètres, pesaient 150 tonnes. Cela n’aura pas suffit à le maintenir. C’est d’ailleurs tout un symbole qui s’écroule : n’avait on pas dit que le pont serait en place aussi longtemps que les français en Indochine…
Le toit du fameux pont couvert de Thanh Toan, pourtant équipé d’un toit local très lourd, a lui aussi valsé.


Les ateliers Bogaert (lire mon article dédié) donnent une bonne idée des dégâts

Il faudra plusieurs jours pour évaluer les dégâts. A Hué et dans sa région périphérique on compte plus de 3000 morts, 22.000 maisons détruites, 529 bateaux coulés. Dans la ville, c’est encore prés de 700 toits envolés. Les vrais chiffres sont certainement bien supérieurs. Les inondations ont aussi tout balayé sur leur passage, dévastant les rizières, tuant des milliers de tête de bétail. Les sampaniers ont souvent vu leur bateau couler, provoquant de fait la perte de leur maison et leur outil de travail.


Le casernement des Français dans la citadelle

Les vietnamiens sont hagards, ne sachant pas ou aller, n’ayant plus rien à manger ni endroit pour vivre.
Les quelques français ont fui leur habitation et se sont refugiés au cercle, l’un des rares bâtiments à terrasse ayant résisté. Même les casernes sont dévastées et le Résident Supérieure a vu le toit du bâtiment officiel de la France s’envoler. Il pleut aussi dans les chambres du premier hotel de Hué, appartenant à Alphonse Guerin, mais les bâtiments à terrasse, là encore, seront sauvés. Cet hotel deviendra peu de temps après le célèbre hotel Morin.


Le Résidence Supérieure de Hué, durement touchée

Par miracle, seul un français manquera à l’appel. C’est le Père Dangelzer, des Missions Etrangéres de Paris, vicaire général de la mission. Le mur du presbytère s’est écroulé sur lui à l’église de Kim Long. Il avait 65 ans. Sa tombe est dans l’enceinte du séminaire de Hué, avec les autres missionnaires.


Le Père Dangelzer (source Irfa)

Tous les fils télégraphiques sont à terre. Il n’y a que le câble nautique qui fonctionne. Mais quels secours espérer ?

Les journaux de Hanoi et Saigon commencent à parler du « désastre de l’Annam » le 15 septembre, soit 4 jours après le passage du typhon. Deux jours plus tard, un article titré « cruelle énigme » déplore l’absence de réactions du roi et des hauts mandarins : « Ou sont ces haut dignitaires indigènes si jaloux de leurs prérogatives, dont la main est dur pour le peuple ? Quelle preuve d’énergie, quelle assistance ont-ils apportée dans ces journées ou leur compatriotes, leurs monuments sacrés et historiques ont été atteints par le typhon ? L’article est signé « Noi Doi ».

Alfred Raquez (1) raconte le typhon dans « l’Avenir du Tonkin ».

Un correspondant du journal L’avenir du Tonkin, Alfred Raquez, se trouvait à Hué pour couvrir les célébrations du cinquantenaire. Il repart vers Tourane en sampan lorsqu’il subit de plein fouet l’ouragan. Son récit émouvant sera publié les jours suivants. Son histoire mérite d’être reprise.

Il part donc en pleine nuit avec pour objectif de rejoindre avant le lendemain soir Tourane (Danang) ou il doit prendre le bateau qui le ramènera à Hanoi. La distance est d’une centaine de kilomètres environ, par la mer ou la lagune. Lorsqu’il part en sampan, la pluie tombe non stop à Hué et des inondations se forment. Le lendemain matin, ils sont toujours dans le canal qui va vers la lagune. Vers 11h, ils doivent finalement stopper et se réfugier dans une maison communale (un dinh). Aussitôt déchargé, le sampan coule en raison des vagues et du vent.

Le dinh est le lieu le plus vaste et solide des alentours. Les habitants viennent s’y refugier. Il décrit la situation comme une scène d’enfer, les gens ont les yeux dilatés et se jettent à ses pieds, front contre terre, en implorant son aide, les mains jointes. Avec le sens du devoir, A. Raquez reprend les choses en main en leur offrant 2 bouteilles d’alcool sauvées de ses affaires. « je vous recommande l’absinthe pure en cas de typhon, amis lecteurs. Elle produit des effets merveilleux. Une heure après la distribution et malgré le redoublement de la tourmente, nos 152 protégés avaient presque oublié leur malheur et jacassaient [à nouveau]. »


Inondations à Hué, peut être celle de 1953 qui fut l’une des plus terribles du siècle

« Nous virent de beaux gestes. []. Pas un homme, si grelottant fut il, ne but une gorgée du réconfortant liquide avant d’avoir ranimé sa femme et ses enfants. Nous voyons l’un d’eux recueillir dans un gobelet les dernières gouttes de notre bouteille et les porter dans un coin du [dinh] à une jeune femme aux seins gonflés qui pleurait toutes les larmes de ses yeux. Il lui fit absorber jusqu’à la dernière goutte et revint à sa place, claquant des dents et grelotant lui-même, mais l’âme satisfaite. »

A. Raquez est un vrai aventurier. Il ne se déplace jamais sans sa « trousse alpine », une trousse qui comporte un baromètre, un thermomètre et une boussole. Il surveille la pression qui descend jusqu’à 722, alors que la normale est 760.

Le typhon finit par s’éloigner et la petite équipe reprend la route sur un nouveau sampan sauvé des eaux. Dans la lagune, des cadavres d’animaux en grand nombre. Des corps sans vie aussi. « Pour une fois, les batelières sont mornes et muettes ». Ils finissent par arriver le lendemain après midi à Cau Hai, qui est le chef lieu du district sur les bords de la lagune. La seule épicerie est tenue par un chinois qui leur vend quelques denrées à des prix astronomiques. « Il spécule sur notre faim atroce ».

De Cau Hai, la poursuite du trajet se fait en chaise à porteur. Mais il faut attendre le lendemain car le tigre se fait déjà entendre. La colline du col des nuages est infestée de tigres et on ne peut y accéder qu’en journée.

Le lendemain donc, il arrive à Tourane. La ville a échappé au désastre. Mais le bateau pour Hanoi a préféré rester sagement en amont du typhon. En revanche, il apprend le naufrage de La Tamise, le meilleur paquebot annexe du Tonkin, heureusement sans faire de victime. Mais cela n’avait rien à voir avec le typhon. Voyager en Indochine n’était pas une sinécure à cette époque !

Pourquoi le ciel s’est il abattu sur Hué ?

L’Annam est le pays des superstitions et chacun s’interroge sur les raisons d’une telle fureur du ciel. Les français sont surpris de voir que même de hauts mandarins et certains hauts responsables bouddhistes n’hésitent pas à colporter cette histoire folle : c’est l’attitude du roi Thanh Thai et le non respect des traditions par les français qui ont provoqué ce cataclysme. En effet, quelques jours avant, le roi avait organisé une réception au palais Canh Chanh, au sein de la citadelle interdite, à laquelle il invita, pour la 1ere fois de l’histoire de la dynastie, des femmes ! Et on vit le roi danser aux bras de ces occidentales, autre sacrilège ! Le peuple étant si superstitieux qu’une telle histoire pouvait provoquer une révolution.. Heureusement pour les français, ce ne fut pas pour cette fois ci.

Apres le typhon, il a fallu faire face à la famine, la misère de la population locale et à la reconstruction.
Le pont Thanh Thai est rétabli en 1907 pour un cout équivalent à sa construction initiale. Mais le plancher, en bois jusqu’alors, fut bétonné pour le rendre plus lourd.
Les toits en terrasse, qui avaient montré leur efficacité lors du typhon, ont été remis en question dans un article signe par E Gras dans le BAVH en 1919. Sans doute certains avaient déjà oublié le typhon de 1904 à cette époque !

Le dernier typhon qui a touché sérieusement Hué n’est pas si vieux. C’ était le 27 Septembre 2022, heureusement sans dégâts humains. Les typhons, qui surviennent en moyenne tous les 7 ans, arrivent des Philippines. Les moyens techniques actuels permettent au moins à la population de s’y préparer. Quant aux inondations, il y en a 1 ou 2 par an. La plus tragique fut celle de 1999 ou plusieurs centaines d’habitants moururent. Depuis, des barrages ont été mis en place sur la rivière de parfums et ses affluents. Les canalisations de la ville ont été aussi refaites.

(1) Alfred Raquez est très connu pour ses photos du Laos, publiées en cartes postales à cette époque.

Sources principales:
– Les numéros de l’Avenir du Tonkin du 15 au 26 Septembre 1904, sur Retronews,
– Hygiene de l’Indochine, 1908, Gallica
– Irfa, pour le Père Dangelzerd
– Le Monde Illustré pour les photographies d’époque, Gallica