Acheter un bien immobilier au Vietnam

Précisons tout de suite que les étrangers ne peuvent pas acquérir de biens fonciers au Vietnam, la terre appartenant aux vietnamiens uniquement. Il n’y a que quelques exceptions, les condominiums dont certains appartements peuvent être vendus aux étrangers et l’immobilier acquis par des sociétés.


Cette maison de l’époque coloniale (occupée par Raoul Desmarets, grand urbaniste de la ville de Hué) et son terrain associé (7081m2) sont mis aux enchères par la ville de Hué ce mois ci, prix de départ 8,8 millions d’euros…

Lorsque vous êtes marié à une vietnamienne, si vous souhaitez acheter quelque chose, il faut d’abord aller chez un notaire pour signer un document dans lequel il est stipuler que l’argent servant à l’acquisition provient uniquement de votre conjoint vietnamien, et que vous ne pouvez hériter du bien acquis. Un interprète est requis pour s’assurer que vous avez bien compris.. Cela dit, si le bien est revendu, et si l’argent provient en partie de vous, la banque est censée vous rétrocéder votre quote-part..

Il n’existe pas de notaires comme ceux qui nous avons en France. Ici, les notaires servent à rédiger des contrats ou remplir un certain nombre de documents administratifs, mais ils ne s’occupent pas de la vente proprement dit.

En fait, au Vietnam, comme toujours, c’est assez basique. Le titre de propriété est matérialisé par un « titre de propriété de couleur rouge », un vulgaire document papier avec le plan du bien, ses caractéristiques, le nom du propriétaire et plein de cachets officiels. Ainsi, comme dans le film « le jouet », vous pouvez acquérir un bien en 5 minutes, argent contre ce document… Il faut ensuite aller à l’administration pour changer le nom du propriétaire et payer les droits d’enregistrement. Si tout va bien, tout peut être réglé en quelques jours.

Les droits se montent à 2,5% de la valeur déclarée à l’administration.. Pas de vérification du montant réellement payé, car il s’agit d’un contrat privé entre 2 parties. De fait, j’imagine que ca doit tricher pas mal.. Il n’y a pas de fiscalité sur la plus value.

L’absence de notaire rend les choses stressantes pour un occidental comme moi concernant le règlement. Avec la légèreté qui caractérise les vietnamiens, le règlement se fait encore beaucoup en cash, bien que la loi exige un règlement par virement. C’est pour cela qu’il est courant de voir des gens quitter une banque avec des liasses de billets (l’équivalent de dizaines voire centaines de milliers d’euros..) mis dans des sacs plastiques au couleur de la banque.. de quoi faire rêver tous les malfrats de la planète !

Le règlement est donc très facile ici, on peut transférer des centaines de milliers d’euros en quelques minutes. Notre banque nous a proposé une apps ou l’on peut transférer nous même jusqu’à l’équivalent de 40.000 euros d’un seul coup.. L’absence de tiers-partis rend les choses stressantes. Si le vendeur a son titre de propriété en hypothèque et compte sur votre règlement pour le récupérer, l’échange contre paiement ne peut être simultanée.. Il y a d’énormes trous dans la raquette, rendant facile les arnaques.

Dans notre cas, on a préparé un contrat papier. Mais la plupart des vietnamiens signent en confiance sans lire quoi que ce soit et s’empressent, quelques jours après, de changer les règles.. Au final, contrat ou pas, rien ne s’est passé comme prévu mais tout s’est bien terminé quand même..


Exemple d’un titre de propriété.. (source internet)

La qualité d’un bien est aussi difficile à apprécier. En général, on ne vous donne même pas les plans de la maison, la nature des biens utilisés pour la construction, la qualité des fondations. C’est à vous de vous débrouiller. Oubliez également les éventuels diagnostics, il n’y a rien ici. Bref, cela s’apparente un peu à une loterie..

L’estimation d’un bien est encore un autre sujet de complexité. Il n’y a pas de prix de marché, car il n’y a pas de bases de données transmises par les « notaires » comme en France. Les annonces en ligne sont particulièrement pauvres en informations. Les vietnamiens ne s’intéressent qu’au terrain, sa surface et sa localisation. Les constructions sont accessoires. Etonnant, car la qualité du bâti est en constante amélioration et il serait temps de le valoriser.

Que trouve-t-on dans une maison vietnamienne ? On est loin de l’agencement des maisons françaises. En général, au rez de chaussée ou à l’étage, la plus belle pièce est réservée à l’autel des ancêtres. Certaines pièces ont trop de fenêtres, ce qui est bien inutile dans un pays tropical, ou, à l’ opposé, sans fenêtre du tout. Aucune fenêtre ne donne en général sur une « belle vue », une rizière ou un paysage, car le vietnamien ne s’intéresse qu’au coté « rue » ou il peut faire des affaires..

Y a-t-il alors des arnaques ? La plus facile est de reproduire un « titre de propriété rouge », dont les vrais vendeurs postent des photos sur les réseaux sociaux. Une fois le faux réalisé, il suffit de le donner contre paiement, puisque personne n’est la pour vérifier sa véracité. Facile comme bonjour !

Il y a aussi les gens qui vendent un titre de propreté familiale mais qui n’en ont pas le droit.. S’ensuit après des procès pour démêler le « qui peut faire quoi » et des animosités au sein des familles…

Mais le cas le plus habituel est le vietnamien qui cherche à convaincre ses « amis » de faire une affaire « en or » en achetant un terrain constructible à un prix « pas cher ». En fait, le terrain n’est pas constructible mais la pression pour finaliser rapidement la transaction empêche l’acheteur d’aller vérifier ce point. L’absence de moralité en affaire étonne ici..

Sans parler d’arnaques, la plus grande difficulté est d’acquérir un titre de propreté dont les mentions ont été mises à jour. Les gens héritent de leurs parents mais n’actualisent pas les documents. Le temps d’obtenir la signature de gens qui sont partis au fin fond du vietnam ou à l’étranger peut prendre des mois voire des années..Entre temps, les prix ont changé.

Pour terminer, quelques anecdotes vécues !

Un jour, on voulait acheter un terrain qui appartenait à une fratrie. Ma femme a longtemps négocié le prix avec chacun d’entre eux, sauf un, dont tous les autres frères et sœurs nous assuraient qu’il signerait sans problème, ayant l’habitude de faire ce qu’on lui disait de faire. Mais le jour de la signature, il est le seul à manquer à l’appel.. Malaise générale. Il avait passé la nuit à boire et ne voulait pas signer. La transaction n’a pas pu se faire…

Une autre fois, les vendeurs, encore des enfants d’une famille agricole, ne savent pas que la présence de leur conjoint était indispensable lors de la séance de signature. Cerise sur le gâteau, ils étaient tous venus à l’administration la fleur au fusil. “Ah bon, il faut une pièce d’identité ? » Le temps de récupérer conjoints et pièces d’identités, cela a pris toute une matinée..

Il y a aussi le cas ou le vendeur fait des rêves prémonitoires. Son père lui apparait et lui dit de ne pas vendre. Il en est tout secoué et il lui faut plusieurs semaines pour s’en remettre, à coup de pratiques superstitieuses. Combien de pauvres poulets ont été écorchés pour qu’enfin les esprits se soient apaisés et que la transaction puisse se faire ?

Dans les campagnes, il faut aussi convaincre les vendeurs d’ouvrir un compte bancaire pour la transaction. Pas toujours simple, le paysan aime palper les billets et le garder chez lui, dans une boite en fer cachée dans son jardin. Mais l’argent circule vite. Si les voisins sont au courant de la transaction, il faut organiser une fête avec abondance de plats et d’alcool. Après avoir remboursé les dettes, en général nombreuses, l’argent restant est souvent réparti entre les enfants. Notre vendeur, lui, a décidé d’offrir une moto de plusieurs milliers d’euros à son fils. Quelques semaines après, on a appris que le fils avait revendu la moto à vil prix pour ses besoins de toxico.. Et puis, comme on est dans un pays de joueurs effrénés, l’argent restant est en général perdu rapidement aux jeux de cartes…

Quoi qu’il en soit, difficile de rester à l’écart de l’immobilier au Vietnam. Pour beaucoup, c’est une source d’enrichissement énorme, comparée aux revenus du travail qui, eux, sont en général faibles. La hausse presque continue des prix et les niveaux atteints donnent le vertige. Dans bien des cas, c’est plus cher qu’en France, pour une qualité bien moindre et un environnement terrible.

Savez vous que le prix du mètre carré à Hanoi est, en moyenne (la ville est grande..), de 12.800 euros et de 8000 euros à Saigon ? A Paris, en cette fin d’année 2023, on est « seulement » à 10.000 euros..

Ainsi va la vie au Vietnam..

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