Catégorie «Vivre au Vietnam»

La rivière des « parfums »

Apres plusieurs années passées à Hué, il était temps de savoir pourquoi la rivière des parfums portait un tel nom.. Si je n’ai pas porté attention plus tôt à cette appellation, c’est qu’au Vietnam, les noms sont souvent tres poétiques, sans rapport nécessairement avec la réalité. C’est le cas avec les prénoms. Ici, les filles portent des noms de fleurs, de pierres précieuses, d’éléments naturels ou de qualités féminines supposées. Pour les garçons, ce sera des adjectifs d’intelligence, de robustesse etc..


La fierté du bonze devant « ses » acorus…

Pourtant, pour la rivière des parfums, cela proviendrait vraiment de la senteur parfumé d’herbes qui poussaient sur les berges, des acorus.

L’histoire (ou la légende..) est liée à celle de la princesse vietnamienne Huyền Trân qui, au début du XIV éme siècle, épouse un roi Cham. Ce qui permit d’ailleurs ensuite au Dai Viet (ancien Vietnam) d’élargir son territoire vers le sud, mais c’est une autre histoire.. Bref, le couple arrive un jour le long de la rivière en bateau et pose le pied sur une berge riche en acorus. Cette herbe si parfumée donnera son nom à la rivière..

Encore fallait-il retrouver cette herbe !

Et c’est chose faite, dans la pagode Khánh Vân, dans le quartier Kim Long. Là, un bonze s’est pris de passion pour cette herbe et la « cultive » avec amour.. Il nous explique que l’herbe pousse sur des pierres sur lesquelles elle s’accroche facilement. Elle ne pousse que dans l’eau. Plusieurs variétés existent, un peu partout en Asie, mais celle de Hué est bien-sur unique !


Ma femme réussit à obtenir quelques herbes et la lourde pierre qui s’y rapporte!

Bien sur, cette herbe a des propriétés de médecines traditionnelles, mais je préfère ne pas m’aventurer sur ce terrain

De nos jours, des initiés vietnamiens viennent à la pagode pour essayer d’obtenir quelques plans.. ils mettent cela ensuite chez eux et adorent deviser autour, en buvant un bon thé..
Avec nostalgie..

Le bonze nous dit que l’herbe existe encore le long de la rivière, mais près de sa source. Un endroit difficile d’accès. La rivière fait environ 40km de longueur, mais un barrage, à 10km de hué, a sensiblement modifié les paysages. Voila quand même un prochain motif d’excursion !

Vietnam vs France, à chacun ses arnaques!

Les arnaques prospèrent partout, au Vietnam comme en France. Mais les méthodes diffèrent, notamment en raison des différences culturelles et des protections offertes par la loi.

Les français sont plutôt méfiants par nature, et font très attention à leur argent, fruit d’un dur labeur en général. Ils apprennent vite et ne se font pas avoir deux fois.
Les vietnamiens sont différents. Ils n’écoutent personne d’autres qu’eux même, croient en leur bonne étoile, se croient plus intelligents que les autres. Ensuite, ils lisent peu, s’informent peu. L’éducation française se base sur le développement de l’esprit critique. Pas ici. On réfléchit peu, on fonce tète baissée, d’autant plus que les vietnamiens sont des gens impatients. La crédulité des gens est aussi sans limite. Certains sont aussi moins méfiants car l’argent coule à flot au Vietnam, provenant parfois du ciel ou de spéculations foncières..


Arrestation de dizaines d’employés travaillant pour une société operant sur le forex, juin 2021, à Haiphong (115.000 clients, 326 millions de dollars dérobés) (source vnexpress)

A la différence de la France, difficile d’arnaquer l’état, l’état providence n’existant pas. Alors on se rabat sur les gens, qui sont souvent livrés à eux meme en cas de problèmes.

Beaucoup d’arnarques touchent le domaine favori des vietnamiens, l’immobilier et le foncier.

La dernière affaire en date (septembre 2023) est une pyramide de ponzi. A travers des séminaires d’investissement et quelques agences bien placées, la société a réussi à promouvoir des projets d’investissements bidon. Après 3 ans, l’édifice s’est effondré, faisant perdre 370 millions de dollars à 20.000 personnes.

Comme il n’y a pas de notaire avec les mêmes prérogatives qu’en France, on peut plus facilement tricher. Comme dans le film « le jouet », on peut acheter un bien très facilement, en acquérant directement auprès du vendeur son titre de propriété « papier ». Du coup, on peut faire des faux titres, vendre plusieurs fois le bien etc..

Entre Danang et Hoi An, a été lancé avant le Covid le projet immobilier « Cocobay » (avec l’apparition de Christian Ronaldo..), des appartements hôtels qui offraient aux acheteurs une rentabilité hors norme. De nombreuses personnes se sont endettées auprès des banques pour gagner le différentiel de taux. Sauf que les touristes n’ont jamais été au rendez vous, le projet a fait faillite, et des milliers d’appartements sont vides.

Autre stratagème classique : des agents immobiliers font croire qu’une zone va devenir constructible et vendent à tour de bras des lots à des investisseurs crédules. Quand assez d’argent a été gagné, les professionnels quittent la zone et vont ailleurs, laissant les acheteurs bernés.

Pendant le Covid, les gens étaient bloqués chez eux et passaient leur temps sur internet. A cette époque, c’était la mode des crypto monnaies et des investissements sur les produits dérivés en devise. Les premiers ont vu leurs cours s’effondrer suite à des arnaques. Mais impossible de porter plainte puisque les crypto monnaies sont interdites au Vietnam. Le mode opératoire des seconds est plus habituel: on gagne toujours au début, de quoi mettre en confiance les gens qui investissent davantage. Bien sur, ils finissent par tout perdre. Certains étrangers vivant au Vietnam à cette époque ont participé à des tournages de vidéos pour la promotion de ces sites bidons, en tant « qu’experts financiers » ! pas très glorieux…


Arrestation de 80 employés collectant des données de cartes bancaires pour usage frauduleux, décembre 2022, à Saigon (source vnexpress)

Plus spécifique au Vietnam, les faux appels de la police. Des gens reçoivent des appels d’un bureau d’investigation leur disant qu’une enquête est menée contre eux. Et qu’ils peuvent stopper les démarches en versant une grosse somme. Et ca marche ! Les gens sont paniqués et s’exécutent. Là, j’avoue ne pas bien comprendre…

Parfois aussi, pour obtenir un poste dans les regions pauvres, les gens doivent payer, parfois plusieurs années de salaires. Les parents d’une amie ont payé l’équivalent de 15.000 euros à une intermédiaire pour obtenir, pour leur fille, un poste de comptable dans une grosse société. Mais cela n’a pas fonctionné (trop de demande pour un seul poste..). L’intermédiaire a gardé une grosse partie de l’argent pour elle et s’est envolée..

Durant les cataclysmes naturels locaux, hélas nombreux, des élans de solidarité se mettent en place, avec, à leur tête, des stars ou des personnalités de la société civile. Les associations étant interdites au Vietnam, ces célébrités encaissent sur leur compte bancaire les versements des généreux donateurs. Bien sur, il y a de nombreux abus car l’argent ne va pas toujours intégralement jusqu’aux nécessiteux…

Dans le domaine bancaire, les choses ne sont pas aussi sécurisées qu’en France. Mais il est impossible ici de transférer de l’argent à l’étranger sans raison valable, ce qui rend difficile les arnaques conduites depuis l’étranger. Mais la dernière arnaque était des plus simples: de faux conseillers bancaires vous proposaient des cartes bancaires gratuites. Pour s’assurer de votre éligibilité au programme, il suffisait d’envoyer une photo du recto et du verso de la carte actuelle. Et le piège a très bien fonctionné jusqu’à l’intervention de la police!

La culture du paiement par cash, l’absence de traçabilité des opérations (notamment l’absence de facture) rendent plus facile toutes ces arnaques.

On peut imaginer que toutes ces arnaques conduisent à beaucoup de drames dans les familles, mais la presse locale ne s’étale pas beaucoup sur ca..

Ainsi va la vie..

La tradition du bois au nord Vietnam

Une grosse différence entre le centre Vietnam et le nord Viêtnam est la taille des édifices traditionnels bâtis en bois. A Hué, tout est dans la légèreté des formes, les colonnes en bois sont fines, pas très hautes, presque discrètes. Dans le nord Vietnam, les toits sont lourds, massifs et l’ossature en bois qui les supporte doit être en rapport. Ainsi, on trouve les colonnes d’une taille impressionnante, des linteaux tout aussi massifs. Cette architecture traditionnelle dépendait essentiellement des risques liés aux nombreux typhons qui ont toujours sévi dans ces régions.

De passage dans la région de Ninh Binh / Nam Dinh, on voit de nombreux temples, pagodes, maisons communes (dinh) mais aussi des églises bien représentatives de cet usage immodéré pour le bois. L’exemple le plus marquant est l’église de Phat Diem dont les immenses colonnes de bois ornent toute la nef.

En passant dans un village (Dinh O Cach, xa Thanh Thuy, Huyen Thanh Liem, province de Ha Nam), nous avons eu aussi l’illustration de cette tradition, à travers la restauration d’un dinh.

On voit bien ici que les murs ne sont pas porteurs. La piece maitresse de tous ces bâtiments est la charpente en bois, qui sera ensuite recouverte de tuiles lourdes, parfois sur 5 épaisseurs.

Il y a bien longtemps que le Viêtnam ne possède plus d’arbres aussi massifs. Depuis de nombreuses années, le bois est importé. L’essence la plus noble est le bois de fer, le fameux « lim », autrefois à usage réservé au roi et a la famille royale. Ce bois a une densité tellement lourde qu’il ne coule pas. Il est très dur et résiste aux insectes.

Les bois tropicaux n’ont pas de cernes (veines) comme chez nous, car il n’y a pas d’hiver pour stopper la croissante de l’arbre. Donc difficile de connaitre leurs ages..

Le bois est donc importé, essentiellement d’Afrique du sud ou des grandes forets du Congo.
La grande zone de stockage de ce bois d’importation est Ninh Binh. A quelques minutes de la gare, vous pouvez accéder à de nombreux entrepots qui alimentent tous les chantiers de la région.

En dehors des édifices à restaurer ou des églises à reconstruire, on voit aussi de nombreux riches vietnamiens acquérir des pieces de bois brut pour en faire des tables longues et des bancs, comme on le voit sur la photo précédente. C’est un peu du gâchis, pour ne pas dire plus…


« beau bois, pas cher », suivant le slogan commercial habituel au Vietnam!


Voila ce qu’on fait avec le bois de fer, des colonnes pour les églises. Ici, des scieurs de long, comme on le faisait autrefois avant la mécanisation (photo prise en 2012)

Saison des flamboyants!

Les flamboyants sont d’une beauté extraordinaire quand arrive la saison de la floraison, à partir de mai. Hué peut s’orgueillir d’avoir de très beaux spécimen. La couleur traditionnelle est le rouge, mais il existe aussi des flamboyants jaune. C’est un arbre qui pousse très vite et peut atteindre 8 mètres de hauteur en seulement 2 ans, s’il est sur un terrain propice, en bordure d’une zone humide. Contrepartie de cette rapidité, ses racines ne sont pas très profondes et de nombreux flamboyants se retrouvent au sol lors des tempêtes. De fait, depuis quelques années, le nombre de flamboyants semble s’etre réduit à Hué.

On retrouve des flamboyants partout au Viêtnam, mais Haiphong est considérée par tous comme « la ville des flamboyants » !

Les photos ont été prises début juillet le long du canal Phu Cam (canal an cuu).

Hué: un art de vivre millénaire retrouvé

Rendre visite à Kim Lan dans sa propriété, c’est comme plonger pour quelques heures dans le hue d’autrefois, du temps de sa splendeur. On ne peut qu’être charmé, tant par les lieux que par la personnalité et le talent de Kim Lan.


Kim Lan nous reçoit toujours royalement..

Ne vous fiez pas à son âge.. elle a beau avoir 80 ans, elle conserve une énergie et un dynamisme que peu d’entre nous ont. Kim Lan est née à Hué. Elle est de sang royal par sa mère et sa grand mère. Son père eut un poste important dans l’administration mais fut tué aux premières heures de la guerre. Kim Lan étudie la philosophie à Hué puis obtient l’une des premières bourses pour aller étudier en Allemagne. Nous sommes en 1965, elle a 25 ans. Elle apprendra la langue de Goethe là bas puis, après un long parcours universitaire, enseignera pendant plus de 10 ans la philosophie comparée orientale (bouddhisme) à l’Université de Munich. En parallèle, elle ouvre un restaurant des spécialités de Hué, ce qui lui permet de ne pas oublier le Vietnam et de gagner suffisamment d’argent pour ses futurs projets.


Kim Lan devant sa maison d’habitation


L’écran traditionnel dans le jardin

Une fois la retraite acquise, elle décide de revenir à hué pour mettre son talent au service de sa ville natale.

La propriété familiale est une maison-jardin. Elle est située en bordure de la rivière des parfums, à quelques centaines de mètres de la pagode Tien Mu. Le terrain faisait 3500m2, mais une partie a été « pris » après 1975. Le jardin d’agrément est bien ombragé, inondé lors des crues régulières. Porche, écran traditionnel, maisons dans le style local, rien ne manque. Par le jardin, on accède à trois bâtiments traditionnels. Le mobilier est exceptionnel. Ce qui n’est pas d’origine familiale a été acquis localement, comme le très beau lit ayant appartenu à la dernière reine mère, Tu Cung. Du mobilier plus moderne a été fait par le frère de kim Lan, créateur de talent qui exporta de nombreux meubles en bois..


festival de couleurs lors des fetes

Depuis son retour, Kim Lan organise de nombreuses expositions et réceptions dans sa propriété. Expositions d’art, d’ao dai, de photos. A chaque fois, ses réceptions sont de merveilleux lieux de rencontre pour le monde culturel et artistique. La gastronomie y est sublimée : elle reçoit ses invités avec des mets préparés par elle et son équipe, dans la plus pure tradition de Hué. Offrir de telles réceptions serait inabordable en Europe, alors on l’apprécie d’autant plus…


Chorégraphie lors d’une des réceptions, avec l’artiste franco vietnamien Sébastien Ly


Nombreuses invitées en ao dai, pour le plaisir des yeux.. et des selfies!


La gastronomie locale à l’honneur, un plaisir d’autrefois retrouvé..

Kim Lan écrit beaucoup sur les traditions locales, sur la vie passée, sur le bouddhisme, participe à des colloques.. On l’a vu récemment s’exprimer en français sur l’apport de Corneille dans le théâtre traditionnel vietnamien..

Kim Lan a mis à profit la période du covid 19 pour ouvrir un petit musée au sein de sa propriété (1). On y découvre de nombreux objets usuels d’autrefois, au milieu d’une riche collection de céramiques trouvées par les pécheurs dans la rivière de parfums. Pour le visiteur, c’est surtout la chance de pouvoir accéder à sa propriété et de découvrir un intérieur authentique de Hué.


Vue d’une partie du musée de Kim Lan


Visite de la consule japonaise de Danang

La propriété a d’ailleurs servi au tournage du film sur Tring Cong Son, auteur compositeur très célèbre au Vietnam, et qui fut aussi ami de Kim Lan.

Des projets, Kim Lan n’en manque pas. Son prochain objectif est d’ouvrir un centre culturel européen à Hué. La ville a beaucoup de chance d’avoir Kim Lan. Elle nous offre le meilleur des deux cultures, locales et occidentales, à travers un généreux trait d’union.

(1) Bảo tàng Gốm Cổ Sông Hương (Huong River Antique Pottery Museum). Se renseigner sur la page fb « Lan Viên Cố Tích ».

Découvrir Hué avec un couple franco-vietnamien

Vous voulez découvrir Hué ? Si vous voulez comprendre le Vietnam d’aujourd’hui ou si vous êtes intéressé par l’un de mes thèmes de prédilections comme la culture locale, la période coloniale, l’histoire (hormis la guerre), l’architecture ou même le catholicisme, je peux vous aider à découvrir la ville et échanger avec vous. Attention, les étrangers ne peuvent être guides touristiques au Vietnam, il ne s’agit donc pas de visites guidées. Mais une ballade ou une simple rencontre avec un français passionné, marié à une vietnamienne et vivant à hué depuis plus de 10 ans. Envoyez-moi un email pour plus de précisions avec vos centres d’intérêt. Voyageurs individuels bienvenus car c’est plus facile pour la moto..

Et si vous voulez simplement en savoir plus sur notre vie ici et sur la culture locale, alors rencontrons nous au cours d’un repas.. Ma femme, de Hué depuis toujours et parlant bien français, et moi-même seront heureux de partager avec vous nos connaissances.

N’hésitez à nous contacter !