Catégorie «Indochine»

Hommage à Charles Carpeaux, mort d’épuisement pour l’art Khmer et Cham

On n’a pas idée aujourd’hui des conditions de vie en Indochine en 1900 ! C’est ce que révèlent les lettres adressées par Charles Carpeaux à sa mère.. Une aventure menée pour la bonne cause, à savoir des recherches d’objets Chams et Khmer pour le compte de l’EFEO…

Charles Carpeaux est le fils du sculpteur Jean Charles Carpeaux, dont le musée de Valenciennes célèbre encore le genie. Charles Carpeaux a 31 ans lorsqu’il part en Indochine. Jusque là, il travaillait au musée Indochinois du Trocadéro, à faire des moulages et à s’initier à la photographie. Avec ses lettres de recommandations, il se met au service de l’Ecole Française d’Extreme Orient, l’EFEO. Celle-ci vient d’étre créé par Paul Doumer, gouverneur de l’Indochine.

L’une des missions de l’école est de dégager, recenser et protéger les richesses archéologique d’Angkor et du Champa. Il y a tant à faire !

A peine arrivé, il part donc en mission à Angkor avec l’architecte Dufour.
Sur place, le choc est rude : températures extremes, des serpents partout, une végétation inextricable qui enserre les monuments. Quelques jours après, Ils sont déjà malades et expriment meme leurs dernières volontés, « au cas ou ». Les fourmis sont avides, les araignées grosses comme la main, les singes ne les quittent pas…


Charles Carpeaux à Angkor (source EFEO)

Il écrit ; « on est frappé de l’hostilité qui émane de ces ruines superbes. Il semble qu’elles veulent garder leur mystère, que les pierres défendent le secret des choses, et que la nature leur vient en aide en les couvrant d’un voile presque impénétrable »

Il y rencontre Pierre Loti, dont la publication quelques années plus tard du célébre récit « Un pèlerin d’Angkor », enchantera le monde.

Il passe 10 mois avec Dufour et une armée de coolies (ouvriers) pour dégager le Bayon, le temple le plus fascinant des sites d’Angkor. A l’issue, ils repartent avec 30 caisses et 18 charrettes. Charles rapporte 150 moulages et plus de 500 clichés, qui émerveillent les responsables de l’Efeo.

A peine arrivé à Saigon, il repart avec Henri Parmentier pour une nouvelle expédition en Annam qui durera 9 mois. Nous sommes au début de l’année 1902. Prés de Phan Thiet, ils rencontrent le missionnaire Eugene Durand, lui aussi érudit de l’art Cham. Mieux que ca, il leur fait rencontrer une veille reine Cham. Celle-ci est prête à leur révéler le trésor des chams, caché dans le pays sauvage. Une expédition est aussitôt organisée pour rejoindre le lieu. Sur la route, on se déplace en palanquin le long des villages fortifiés pour se protéger des tigres. Et avant de pouvoir accéder au trésor, on organise des sacrifices pour les manes des rois chams.
Le trésor est enfin déballé : une grande quantité de vases en or et en argent, des armes en tout genre, des objets de culte, des vêtements colorés.. On imagine l’etat d’exaltation à la découverte de ce trésor, aussitôt mis à l’abris.

L’expédition remonte la cote vers le nord. En palanquin, à pied ou à l’aide des petits chevaux annamites. On ne peut avancer que la journée, courte en Indochine. Les éléphants sont aussi dangereux que les tigres, à leur manière : ils démolissent les poteaux télégraphique en fer, les ponts et les champs de cannes à sucre. Les deux compères arrivent finalement à Tourane (Danang aujourd’hui) ou ils se reposent une semaine dans un vrai hotel, qui offre de la glace à ses clients, un vrai luxe ! C’est l’ancien hotel Gassier, devenu Morin, et dont la destinée ira bien vite à Hué…


Déplacement en palanquin

Ils arrivent finalement à Dong Duong. Ils ne le savent pas encore, mais leurs fouilles vont se révéler être d’une exceptionnelle richesse. Au depart, seule une tour apparait. Tout autour, des édicules, des tas de briques et de terres qu’il va falloir dégager.
Ils sont aidés par 200 coolies qui préféreraient démolir plutôt que déblayer.. Ils relèvent avec 50 coolies un grand stupa, une pierre énorme. Puis ils mettent à jour un immense piédestal, piece maitresse du musée actuel de Danang. Charles écrit ; « Il est décoré de centaines de petits personnages, et rempli, à plusieurs mètres d’épaisseur, de cendres, très vraisemblablement humaines. Y aurait-il là-dessous quelques rois chams’? »


Le piédestal lors de sa découverte et aujourd’hui, au musee de Danang. La tète de la cavalière sur l’éléphant n’est plus présente

Arrive la saison des pluies : « Il règne ici à cette époque une humidité inouïe. Mon vérascope s’en ressent; tout moisit; mon revolver est sous la rouille, les champignons poussent sur le cuir, le buvard est une éponge, etc. ». Les typhons se joignent à la partie : « la nuit dernière, sérieux typhon qui a tout démoli. Notre cagna [cabane] n’a plus de paillotte (toit), et nous avons barboté toute la nuit dans l’eau. L’écurie est tombée sur la tète des chevaux ».

Ils mettent à jour « un véritable dépôt de sculptures: deux éléphants dont un en place, nombreux fragments de statues, de nagas et aussi un autre grand piédestal. ». Ils travaillent 15 heures par jour, passant d’une découverte à une autre..


Le chantier de Dong Duong

Fin 1902, ils repartent à Hanoi avec 28 caisses et des milliers de clichés à développer..

En mars 1903, Charles Carpeaux repart en Annam avec Henri Parmentier. Cette fois ci, cap sur My Son.

Le site est grand et il faut construire une palissade de 4 mètres de hauteur tout autour pour se protéger des tigres. Il écrit : « La nuit dernière, alerte. Grand vacarme chez les chevaux; je me précipite dans un très simple appareil, mon fusil d’une main et un photophore de l’autre. Je trouve mon cheval sur le dos, les jambes en l’air, et le nez sur le bas-flanc. J’ai eu du coton pour le relever et pendant ce temps-là, les moustiques soupaient joyeusement à mes dépens. ».. Quelques jours après, il écrit : « Nous avons été attaqués à 10 heures du soir par des milliers de fourmis qui, fuyant les orages, voulaient s’installer chez nous. D’où bataille homérique : l’ennemi, après une héroïque défense, s’est retiré décimé par nos feux de salve au pétrole et à l’eau bouillante ».


Cette forme à quatre bras du fils de Shiva et Parvati, à tête d’éléphant, est l’une des sculptures cham les plus sophistiquées. VII siècle. Musée de Danang. Le piédestal est resté sur place


Comparatif entre la sculpture lors de sa découverte et aujourd’hui, au musée de Danang…

Il faut dégager la zone de recherche. « Hier, nous avons mis le feu à la brousse autour des terres, et ce matin nous avons trouvé une énorme pierre inscrite qui était cachée sous des roseaux de 5 mètres, formant ici les prairies. Nous promettons dix cents aux coolies pour chaque fragment trouvé. Aussitôt, surgissent cent trente morceaux d’inscriptions de toutes tailles. »

Les fouilles marchent à merveille; les pieces découvertes sont nombreuses : sculptures, piédestal, statues, lingams..


Une tour avant son déblaiement


La meme tour après son déblaiement

Les coolies participent activement aux fouilles, mais, superstition oblige, font preuve de beaucoup de prévenances et d’interrogations:
« Quand nous donnons l’ordre d’enlever une pierre ou d’attaquer un monticule, les coolies [] font un discours à la pierre ou à la terre [],leur expliquant qu’ils les dérangent parce qu’ils y sont forcés. Une chose aussi les stupéfie : c’est que nous dépensions tant d’argent et de forces pour remuer la terre. Les uns croient que nous cherchons les trésors chams, et que nous sommes guidés par les stèles inscrites que nous dégageons. Les autres disent que nous venons rétablir les monuments. Mais tous ont grand peur que nous ne ramenions les Chams dans leurs
anciens domaines. Ceci est très curieux, et tend à prouver la puissance autrefois considérable des Chams, en cette partie de l’Annam. »

Les locaux ne s’interessent pas aux « vieilles pierres ». Mais l’action de l’EFEO est essentielle pour mettre à l’abri ces oeuvres qui commencent à attirer des convoitises de la part des occidentaux. Le plus connu d’entre eux sera André Malraux, arrêté pour trafic d’oeuvres d’art à Angkor en 1922…

Les découvertes s’enchainent : « Mercredi dernier, j’aperçois au ras du sol lavé par les pluies un disque que je retourne; un premier dégagement au coupe coupe laisse voir une sorte de goulot s’adaptant au disque; et, après une heure de fouilles délicatement opérées, nous mettons à jour un vase en terre en forme de jarre. Or, ce vase contenait un véritable trésor pour des archéologues, toute la parure en or avec pierres précieuses d’une idole chame : mokata, un gorgerin, un collier, une ceinture, des bracelets pour le haut et l’extrémité des bras, deux paires de boucles d’oreilles [] . Il y avait encore deux assiettes en argent et deux lingots d’or montés sur cuve en argent. Tu vois d’ici ma joie ! »


Le trésor de My Son lors de sa découverte

Les scorpions sont de la partie :« Dufour a été piqué au pied par un scorpion. A 5 heures du matin, réveillés par ses appels, nous nous précipitons et trouvons dans son lit la bestiole, nous la zigouillons sans pitié, puis nous pansons la blessure. ». L’architecte Dufour sera finalement sauvé, grace aux soins prodigués à l’hopital.


Un skanda sur un paon, 10eme siècles, lors de sa découverte et aujourd’hui, musée de Danang

La petite équipe rentre à Saigon après 1 an de fouilles exceptionnelles. Carpeaux repart presque aussitôt à Angkor rejoindre son collègue et ami Dufour, nous sommes alors en mars 1904. Il s’agit de continuer les travaux menés au Bayon, en dégageant les fameuses tètes qui font la gloire du monument encore aujourd’hui.

Mais Charles se sent faiblir, harassé de 30 mois de fouilles presque ininterrompues. Il finit par demander un congé de convalescence et repart en bateau le long du lac Tonlé Sap. Il admire la péche « miraculeuse » et se fait photographier avec un immense pélican qu’il vient de chasser.. Ce seront ses dernières photos..


Charles Carpeaux admiratif devant un pelican qu’il vient de tirer (source EFEO)

A Saigon, il doit se faire hospitaliser. Son état empire, bien qu’il tienne des propos rassurant à sa mère pour ne pas l’inquiéter. Le 29 juin 1904, il décéde « d’un brusque accès de dysenterie, sur un organisme déjà miné par une anémie paludéenne très avancée ». Le chef des travaux pratiques de l’EFEO n’avait que 34 ans.

Que reste-t-il de son dur labeur? A sa mort, il a laissé plus de deux mille clichés admirables, de nombreux plans, croquis, estampages qui ont permis de mieux connaitre les Chams. L’EFEO continue d’honorer sa mémoire. Les découvertes faites à Dong Duong et My Son sont en bonne place dans le musée Cham de Danang, l’ancien musée Henri Parmentier ouvert en 1919. Le sanctuaire My Son continue d’etre un haut lieu touristique. La ville de Valenciennes, berceau de la famille Carpeaux, a organisé une exposition sur lui en 2019-2020.

Que sa mémoire soit honorée !


Monument dressé par l’EFEO devant le temple du Bayon, sur le site d’Angkor (source EFEO)

Sources:
– livre « Les ruines d’Angkor, de Duong-Duong et de Myson (Cambodge et Annam) : lettres, journal de route et clichés photographiques », publié par sa mère, sur Gallica
– site photographique de l’EFEO, ou l’on retrouve notamment le résultat de toutes les fouilles, https://collection.efeo.fr/

Il y a 120 ans, le typhon qui détruisit la ville de Hué

Le cataclysme qui est survenu hier au nord Vietnam (typhon Yagi) nous rappelle que les typhons sont nombreux et violents au Vietnam.

A 120 ans d’intervalle jour pour jour, Hué connaissait aussi son typhon le plus violent de son histoire récente. C’était le dimanche 11 Septembre 1904.

Grace à la presse disponible sur Gallica, on peut se replonger dans ce qui fut un effroyable cataclysme naturel. Que cet article soit un hommage à tous ceux qui, à l’époque, ont tout perdu. Qu’il soit aussi là pour nous rappeler que les changements climatiques ne feront que renforcer la puissance destructive de la nature.

Un cataclysme inattendu

La semaine se terminait pourtant bien. La ville venait de passer plusieurs jours à célébrer le cinquantenaire de la reine mère, l’impératrice Hoang Thai Hau, mère de l’empereur Thanh Thai. Plusieurs cérémonies festives avaient eu lieu dans la citadelle avec de nombreux dignitaires, français et indochinois, venus des quatre coins du pays.

En 1904, Hué est la capitale de l’Annam, mais sous la direction des français. Ceux-ci règnent en réalité en maitre depuis 1885, après la signature forcé d’un traité de protectorat puis le « guet- apens de Hué ». La ville ne doit pas compter plus de 40.000 âmes dont quelques centaines de français, essentiellement des militaires et quelques fonctionnaires.

A cette époque de l’année, on est à la fin de l’été et les récoltes de riz sont imminentes. Le mois de Septembre est un mois de transition, avant la saison des pluies.

La pluie commence à tomber peu avant la nuit du samedi au dimanche. Personne ne s’attend à un typhon. Très vite, les inondations se forment. La situation empire le lendemain pour se transformer en cataclysme entre midi et 16h. Quatre heures de cauchemar qui vont aboutir à un désastre jamais égalé depuis 1855, date du dernier typhon dévastateur.

La ville est méconnaissable, tous les arbres sont à terre, toutes les maisons annamites sont détruites, tous les bâtiments en brique sont endommagés. Seuls quelques édifices à terrasse sont épargnés.
Le nouveau pont de fer, voulu et inauguré par Paul Doumer en 1900 voit 4 de ses 6 travées retournées et gisants au fond de la rivière des Parfums. Chacune des travées, d’une longueur de 65 mètres, pesaient 150 tonnes. Cela n’aura pas suffit à le maintenir. C’est d’ailleurs tout un symbole qui s’écroule : n’avait on pas dit que le pont serait en place aussi longtemps que les français en Indochine…
Le toit du fameux pont couvert de Thanh Toan, pourtant équipé d’un toit local très lourd, a lui aussi valsé.


Les ateliers Bogaert (lire mon article dédié) donnent une bonne idée des dégâts

Il faudra plusieurs jours pour évaluer les dégâts. A Hué et dans sa région périphérique on compte plus de 3000 morts, 22.000 maisons détruites, 529 bateaux coulés. Dans la ville, c’est encore prés de 700 toits envolés. Les vrais chiffres sont certainement bien supérieurs. Les inondations ont aussi tout balayé sur leur passage, dévastant les rizières, tuant des milliers de tête de bétail. Les sampaniers ont souvent vu leur bateau couler, provoquant de fait la perte de leur maison et leur outil de travail.


Le casernement des Français dans la citadelle

Les vietnamiens sont hagards, ne sachant pas ou aller, n’ayant plus rien à manger ni endroit pour vivre.
Les quelques français ont fui leur habitation et se sont refugiés au cercle, l’un des rares bâtiments à terrasse ayant résisté. Même les casernes sont dévastées et le Résident Supérieure a vu le toit du bâtiment officiel de la France s’envoler. Il pleut aussi dans les chambres du premier hotel de Hué, appartenant à Alphonse Guerin, mais les bâtiments à terrasse, là encore, seront sauvés. Cet hotel deviendra peu de temps après le célèbre hotel Morin.


Le Résidence Supérieure de Hué, durement touchée

Par miracle, seul un français manquera à l’appel. C’est le Père Dangelzer, des Missions Etrangéres de Paris, vicaire général de la mission. Le mur du presbytère s’est écroulé sur lui à l’église de Kim Long. Il avait 65 ans. Sa tombe est dans l’enceinte du séminaire de Hué, avec les autres missionnaires.


Le Père Dangelzer (source Irfa)

Tous les fils télégraphiques sont à terre. Il n’y a que le câble nautique qui fonctionne. Mais quels secours espérer ?

Les journaux de Hanoi et Saigon commencent à parler du « désastre de l’Annam » le 15 septembre, soit 4 jours après le passage du typhon. Deux jours plus tard, un article titré « cruelle énigme » déplore l’absence de réactions du roi et des hauts mandarins : « Ou sont ces haut dignitaires indigènes si jaloux de leurs prérogatives, dont la main est dur pour le peuple ? Quelle preuve d’énergie, quelle assistance ont-ils apportée dans ces journées ou leur compatriotes, leurs monuments sacrés et historiques ont été atteints par le typhon ? L’article est signé « Noi Doi ».

Alfred Raquez (1) raconte le typhon dans « l’Avenir du Tonkin ».

Un correspondant du journal L’avenir du Tonkin, Alfred Raquez, se trouvait à Hué pour couvrir les célébrations du cinquantenaire. Il repart vers Tourane en sampan lorsqu’il subit de plein fouet l’ouragan. Son récit émouvant sera publié les jours suivants. Son histoire mérite d’être reprise.

Il part donc en pleine nuit avec pour objectif de rejoindre avant le lendemain soir Tourane (Danang) ou il doit prendre le bateau qui le ramènera à Hanoi. La distance est d’une centaine de kilomètres environ, par la mer ou la lagune. Lorsqu’il part en sampan, la pluie tombe non stop à Hué et des inondations se forment. Le lendemain matin, ils sont toujours dans le canal qui va vers la lagune. Vers 11h, ils doivent finalement stopper et se réfugier dans une maison communale (un dinh). Aussitôt déchargé, le sampan coule en raison des vagues et du vent.

Le dinh est le lieu le plus vaste et solide des alentours. Les habitants viennent s’y refugier. Il décrit la situation comme une scène d’enfer, les gens ont les yeux dilatés et se jettent à ses pieds, front contre terre, en implorant son aide, les mains jointes. Avec le sens du devoir, A. Raquez reprend les choses en main en leur offrant 2 bouteilles d’alcool sauvées de ses affaires. « je vous recommande l’absinthe pure en cas de typhon, amis lecteurs. Elle produit des effets merveilleux. Une heure après la distribution et malgré le redoublement de la tourmente, nos 152 protégés avaient presque oublié leur malheur et jacassaient [à nouveau]. »


Inondations à Hué, peut être celle de 1953 qui fut l’une des plus terribles du siècle

« Nous virent de beaux gestes. []. Pas un homme, si grelottant fut il, ne but une gorgée du réconfortant liquide avant d’avoir ranimé sa femme et ses enfants. Nous voyons l’un d’eux recueillir dans un gobelet les dernières gouttes de notre bouteille et les porter dans un coin du [dinh] à une jeune femme aux seins gonflés qui pleurait toutes les larmes de ses yeux. Il lui fit absorber jusqu’à la dernière goutte et revint à sa place, claquant des dents et grelotant lui-même, mais l’âme satisfaite. »

A. Raquez est un vrai aventurier. Il ne se déplace jamais sans sa « trousse alpine », une trousse qui comporte un baromètre, un thermomètre et une boussole. Il surveille la pression qui descend jusqu’à 722, alors que la normale est 760.

Le typhon finit par s’éloigner et la petite équipe reprend la route sur un nouveau sampan sauvé des eaux. Dans la lagune, des cadavres d’animaux en grand nombre. Des corps sans vie aussi. « Pour une fois, les batelières sont mornes et muettes ». Ils finissent par arriver le lendemain après midi à Cau Hai, qui est le chef lieu du district sur les bords de la lagune. La seule épicerie est tenue par un chinois qui leur vend quelques denrées à des prix astronomiques. « Il spécule sur notre faim atroce ».

De Cau Hai, la poursuite du trajet se fait en chaise à porteur. Mais il faut attendre le lendemain car le tigre se fait déjà entendre. La colline du col des nuages est infestée de tigres et on ne peut y accéder qu’en journée.

Le lendemain donc, il arrive à Tourane. La ville a échappé au désastre. Mais le bateau pour Hanoi a préféré rester sagement en amont du typhon. En revanche, il apprend le naufrage de La Tamise, le meilleur paquebot annexe du Tonkin, heureusement sans faire de victime. Mais cela n’avait rien à voir avec le typhon. Voyager en Indochine n’était pas une sinécure à cette époque !

Pourquoi le ciel s’est il abattu sur Hué ?

L’Annam est le pays des superstitions et chacun s’interroge sur les raisons d’une telle fureur du ciel. Les français sont surpris de voir que même de hauts mandarins et certains hauts responsables bouddhistes n’hésitent pas à colporter cette histoire folle : c’est l’attitude du roi Thanh Thai et le non respect des traditions par les français qui ont provoqué ce cataclysme. En effet, quelques jours avant, le roi avait organisé une réception au palais Canh Chanh, au sein de la citadelle interdite, à laquelle il invita, pour la 1ere fois de l’histoire de la dynastie, des femmes ! Et on vit le roi danser aux bras de ces occidentales, autre sacrilège ! Le peuple étant si superstitieux qu’une telle histoire pouvait provoquer une révolution.. Heureusement pour les français, ce ne fut pas pour cette fois ci.

Apres le typhon, il a fallu faire face à la famine, la misère de la population locale et à la reconstruction.
Le pont Thanh Thai est rétabli en 1907 pour un cout équivalent à sa construction initiale. Mais le plancher, en bois jusqu’alors, fut bétonné pour le rendre plus lourd.
Les toits en terrasse, qui avaient montré leur efficacité lors du typhon, ont été remis en question dans un article signe par E Gras dans le BAVH en 1919. Sans doute certains avaient déjà oublié le typhon de 1904 à cette époque !

Le dernier typhon qui a touché sérieusement Hué n’est pas si vieux. C’ était le 27 Septembre 2022, heureusement sans dégâts humains. Les typhons, qui surviennent en moyenne tous les 7 ans, arrivent des Philippines. Les moyens techniques actuels permettent au moins à la population de s’y préparer. Quant aux inondations, il y en a 1 ou 2 par an. La plus tragique fut celle de 1999 ou plusieurs centaines d’habitants moururent. Depuis, des barrages ont été mis en place sur la rivière de parfums et ses affluents. Les canalisations de la ville ont été aussi refaites.

(1) Alfred Raquez est très connu pour ses photos du Laos, publiées en cartes postales à cette époque.

Sources principales:
– Les numéros de l’Avenir du Tonkin du 15 au 26 Septembre 1904, sur Retronews,
– Hygiene de l’Indochine, 1908, Gallica
– Irfa, pour le Père Dangelzerd
– Le Monde Illustré pour les photographies d’époque, Gallica

Redécouverte d’un cimetière français à Hué-Thuan An

Alors que nous allions en moto à la plage, ma femme s’est soudainement exclamée « chéri, il y a une tombe française ! ». Ma passion pour l’histoire n’a pas échappée à ma femme mais il a fallu quand même un gros coup de chance pour distinguer ce qui reste d’un cimetière français!

Après recherche, il s’agit bien d’un ossuaire ou reposent depuis près d’un siècle les restes de presque 400 de nos compatriotes, essentiellement des militaires ayant participé à la conquête de l’Annam et du Tonkin.


La stele à la mémoire des Français, de nos jours

Mais pour en comprendre l’origine, il est nécessaire de se replonger dans l’histoire.

Aujourd’hui Thuan An est un gros bourg bordé de plages magnifiques ou vont se presser chaque été les gens de Hué et quelques touristes.

On imagine mal que cet endroit fut le centre névralgique des troupes françaises en 1883 et 1900.

Avant 1883, Thuan An n’était qu’un simple village de pécheurs, planté de nombreux cocotiers. On y trouvait quelques forts de défense et le « bain du roi », lieu de villégiature royale. C’était surtout une position stratégique car le seul accès de la ville impériale par la mer, l’endroit par lequel tout devait passer. L’impossibilité pour les bateaux de mer d’accéder à la rivière, en raison d’une barre, en faisait un verrou naturel, situé à une quinzaine de km de la capitale.

L’origine de la présence française à Thuan An date de la prise des forts le 23 aout 1883 par l’escadre de l’amiral Courbet, après un copieux bombardement (raconté en son temps par P. Loti). L’Annam et le Tonkin sont alors en plein trouble suite au décès sans héritier du roi Tu Duc. L’attaque de Courbet a pour but de ramener la Cour à la raison et d’obtenir un accord de protectorat avec la France. La prise de Thuan An a conduit aussitôt à l’installation des français sur place, une présence amplifiée par l’arrivée de troupes du Tonkin en 1885 avec le Général de Courcy. Point déterminant pour la sécurité des français, un télégraphe y fut installé, grâce au câble anglais qui allait jusqu’à Singapour.


Les infrastructures à Thuan An en 1885 (bavh 1920)

Le “coup de force » contre les français en juillet 1885, la fuite du roi et la période de troubles qui suivit aboutirent à l’arrivée à Thuan An de nombreuses troupes en renfort venues de la métropole. Ce fut alors une véritable gare maritime, ou transitaient des milliers d’hommes. On y construisit des dépôts, des casernements et autres bureaux en tout genre. Mais c’est surtout les bâtiments du service de santé qui prirent une importance considérable. Thuan An était le seul endroit ou se trouvait un hôpital ainsi que de vastes pavillons de repos. L’épuisement des hommes partis combattre les pirates au Tonkin, le paludisme, les maladies endémiques et surtout le cholera amena à Thuan An un grand nombre de malades. On créa aussi sur place le premier cimetière français de Hué. Il se remplit très vite, au moins jusque fin 1889, date à laquelle les troubles cessèrent suite à la capture de l’ex-empereur Ham Nghi. Celui-ci fut d’ailleurs maintenu prisonnier à Thuan An en attendant son embarquement sur un bateau à destination de l’Algérie, son lieu d’exil décidé par les français.

La présence militaire de Thuan An déclina ensuite progressivement. Malgré tout, pendant la belle saison, tous les bateaux des Messageries Maritimes et les bateaux de transport locaux faisaient escale au large, débarquant passagers, courrier et marchandises. Mais en 1897, survint un violent typhon qui ferma la passe et en ouvrit une autre un peu plus loin. Les paysages en furent passablement modifiés. L’hôpital de Thuan An fut définitivement évacué en 1900 et le cimetière un peu oublié.


L’emplacement des passes, avant et après les typhons, Bavh 1920

Les tombes étaient au nombre de plusieurs centaines. On y trouvait de nombreux soldats, des officiers, des fonctionnaires de diverses administrations et même plusieurs femmes, épouses d’officiers ou de fonctionnaires. En 1900, devant l’avancé de la mer sur les dunes, on s’inquiéta de la possible désintégration du cimetière. Il est décidé alors d’exhumer les corps de ces pionniers de la présence française en Annam vers une fosse commune prés du « fort du sud », une ancienne fortification annamite.

Apres l’étude du Docteur Duvigneau, c’est le docteur Marque qui aura la responsabilité de ce transfert. La tache n’est pas si simple, car la présence parmi les défunts de nombreux cholériques imposent des règles de prudence draconienne pour éviter une nouvelle épidémie. Le transfert aura lieu entre le 18 au 29 avril 1901.

Le transport des ossements a lieu par bateau, le long de la lagune. On peut lire « Au fur et à mesure que les ossements étaient découverts, on les plaçait dans des caisses, avec addition de chaux, et on les transportait au nouveau cimetière, situé au Fort-du-Sud, où une fosse commune de 10 mètres de long, 3 mètres de large et 3 mètres de profondeur, avait été creusée ; les ossements étaient jetés dans la fosse, et, tous les soirs, couverts de sable et arrosés d’une solution de sulfate de fer. »


Carte du transfert des ossements, bavh 1920

A l’issue du transfert, tous les objets en contact potentiel des ossements sont brulés, y compris le sampan utilisé.

392 cadavres ont été exhumés, ou plutôt les ossements, et tous ont été déposés dans la fosse commune. Trois autres fosses spéciales ont été creusées, l’une pour une femme (Mme Meunier), et les autres pour le vice résident de la province (M.Michel) et un inspecteur de la Garde Indigene (M. de Soulages).

Que reste t il aujourd’hui de ce lieu de mémoire ?

Les accès à la plage de Thuan An se sont construits et ce lieu de mémoire se trouve aujourd’hui au milieu de maisons diverses. Mais l’emplacement de la fosse principale est toujours visible et plus ou moins dégagé. La stèle cubique est toujours en place et on peut y lire « A la mémoire des Français décédés à Thuan-An, 1883-1899 ».


L’ossuaire, de nos jours

Deux autres stèles y sont présentes. L’une est celle d’un militaire, « E.S. Contesse, Chef de Bataillon décédé le 2 novembre 1889 ». L’autre est celle d’A. Gelas-Sauvaire. Je n’ai pas retrouvé d’information sur ces français.


Stéle de E.S Contesse

Maintenant que ce cimetière a été retrouvé, reste à savoir comment on peut honorer à nouveau la mémoire de ces français. La question mérite réflexion !

Avec celui de Thuan An, d’autres cimetières ont été ouverts à Hué. Deux autour de la citadelle, pour les militaires, dont celui du Mang Ca. Et celui de Phu Cam, ouvert en 1904, pour les civils. Les tombes des militaires ont été rapatriées en métropole au départ des français, même si des éléments du cimetière du Mang Ca sont encore visibles de nos jours. Quant à celui de Phu Cam, près de la cathédrale du même nom, les tombes ont été transférées à la périphérie de la ville en 2006.


Vue du ciel du fort du Nord, en bas à gauche de l’image (partie ronde), occupé par les militaires vietnamiens. Porte traditionnelle coté ville. Source google earth.

Sources :
Les bulletins des Amis du Vieux Hue restent une formidable source pour qui s’intéresse à l’histoire de Hué. Notons les numéros utilisés pour cet article :
Sur les cimetières de Hue, 1929/3, 1914/3 et 1916/4
Sur Thuan An, 1920/3, écrit par H Bogaert, colon célèbre à Hué et qui vécut à Thuan An à cette époque là.

Les rédemptionnistes à Hué

Quand on voit ces photos prises du ciel, on ne peut qu’être fier d’avoir un tel chef d’œuvre à Hué ! C’est une église de style asiatique et occidentale sans équivalent au Vietnam..

On doit cette église à l’architecte Nguyen My Loc, diplômé de l’école des Beaux Arts d’Indochine qui est ensuite allé en France pour obtenir son diplôme dplg. De retour au Vietnam, il travaille à priori dans le sud Vietnam mais on ne connait pas bien ses oeuvres. Il enseignera ensuite à Saigon puis, après 1975, quittera le Viêtnam pour la France.

Nguyen My Loc a le mérite d’avoir créer un projet imprégné d’identité nationale. A ma connaissance, seules l’église de Phat Diem (Père Six comme architecte) et l’église Cua Bac à Hanoi (architecte Ernest Hebrard) sont comparables dans leur originalité.

La construction a démarré en mars 1959 et l’église a été consacrée en avril 1962. La maitrise d’œuvre a été assurée par les rédemptionnistes eux même, grâce au frère Bui Van Khac, autodidacte, aidé de 150 ouvriers.
La hauteur de l’ouvrage est de 53 mètres avec un triple clocher octogonal dont la structure métallique a été fourni par la société Eiffel.
La nef est longue de 70 mètres, large de 37 mètres et haute de 32m à l’intérieur. L’édifice fait de béton et de granit offre une nef élancée sans colonne, qui offre une luminosité exceptionnelle. L’ouverture sur l’extérieur de la nef renforce l’impression d’une église ouverte à tous.
4 cloches sont activées par un système « electro magnétique », avec un angelus, le tout ayant été réalisé par la célèbre fonderie Paccard à Annecy. A l’origine, il existait aussi un carillon qui sonnait tous les jours à midi. L’horloge extérieure est Suisse mais hélas ne fonctionne plus.

Si la décoration intérieure est sobre, on remarquera quand même un autel long de 3.6m fait d’un seul tenant avec du marbre de Danang. La sacristie est vaste et ferait rêver plus d’un prêtre en France ! A l’intérieur, on y retrouve un reliquaire contenant les restes de Saint Joseph Le Dang Thi, un soldat au service du roi Tu Duc et qui fut victime de la persécution en 1860. Il a été canonisé en 1988 par Jean Paul II.

La période de 1955 à 1963 correspond à l’âge d’or du catholicisme au Vietnam car c’est l’époque de la présidence de Ngo Dinh Diem, catholique convaincu et originaire de Hué. Son frère, Ngo Dinh Thuc est d’ailleurs archevêque à Hué et lancera la construction de la cathédrale Phu Cam en 1963. Elle est située à quelques centaines de mètres de l’église des rédemptionnistes.

En 1968, lors de l’offensive du Têt, l’église n’a pas souffert sauf les vitraux. Depuis, l’église n’a pas subi de réparations majeures. Les tuiles qui brillent sur la photo ont été changées en 2013.

Bref historique de la congrégation à Hué

Il est intéressant de se replonger dans l’histoire même des rédemptionnistes, dont l’implantation au Vietnam a démarré à Hué en 1925. Les rédemptionnistes sont un ordre d’origine italienne. La branche vietnamienne provient de la province canadienne mais francophone de Sainte Anne de Beaupré, établie la bas en 1911.

L’objectif de Rome était d’accélérer l’édification d’un clergé vietnamien autonome et indépendant du colonisateur français. Hué, capitale royale, a donc été préférée à Hanoi, comme le sera plus tard la résidence du délégué apostolique du Vatican.

Ce sont donc 3 missionnaires canadiens qui débarquent en 1925. Ils sont bien accueillis par Mgr Allys, l’évêque français, mais ils doivent partir de zéro et sans soutien financier local car l’Annam est pauvre. Le choix d’implantation se porte sur un terrain à Hué même, non loin du palais-hors-citadelle que s’est fait construite l’empereur Khai Dinh (palais An dinh). A cette époque, ce coté ci de la ville n’est que rizières, dont le riz parfumé est réservé à la cour royale.

Quelques temps après, c’est un noviciat puis un juvénat qui sont construits pour accueillir les futurs recrus.

L’important pour les rédemptionnistes est de se mêler à la population locale. Ainsi, en 1929, est créé l’Accueil, bâtiment qui existe toujours sur le coté de l’église. Ce lieu servira de salle polyvalente, propre à organiser des pièces de théâtres, des conférences, des rencontres avec les habitants mais aussi avec l’élite locale, famille royale et haut mandarins. Attenante à la grande salle se trouvait une bibliothèque ouverte à tous et disposant d’ouvrages variés en différentes langues. L’Accueil était autrefois le seul centre culturel de l’ancienne capitale de Hué.

Les Pères enseignent aussi l’anglais, pas si courant à cette époque. Un foyer est créé pour servir de pensionnat pour les lycéens habitants en dehors de la ville. Ce sont aussi les rédemptionnistes qui vont introduire le scoutisme au Vietnam avec la création en 1931 des premières troupes multiconfessionnelles à Hué.

(AP Photo/Horst Faas)

Survol de l’église en 1962, photo internet (AP Photo/Horst Faas)

Les rédemptionnistes sont aussi très proches du centre marial de Lavang, à 50km au nord de Hué. C’est un peu le Lourdes du centre Viêtnam. Les pèlerins peuvent loger chez les Pères, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.

Toutes ces actions créent des mouvements de sympathies en leur faveur et augmentent les conversions et ordinations. Il est clair que l’indépendance des rédemptionnistes par rapport au pouvoir colonial plait à un grand nombre.


On distingue bien sur cette photo les bâtiments de l’Acceuil à gauche. En haut à droite de la photo, la maison coloniale existe toujours, c’est devenu un commissariat de police (photo internet)

Cette indépendance leur servira de plus en plus au fur et à mesure des événements qui vont émailler le Vietnam dans les années qui suivirent. Le coup de force des japonais le 9 mars 1945 épargnera les Pères rédemptionnistes même s’ils sont consignés à demeure. Un peu plus tard, le Vietminh les laissera aussi à peu prêt tranquille. Les Pères en profitent pour accueillir dans leur église des centaines de refugiés. Les plus connus seront la reine Nam Phuong et ses enfants qui resteront la quelques jours avant d’être exfiltrés par les français. Ce sera peut être le dernier symbole de séduction des élites vietnamiennes locales car l’abdication de l’empereur Bao Dai quelques mois plus tôt a mis à mal toutes les démarches en leurs faveurs.


Le reliquaire de Saint Joseph Le Dang Thi

Le changement d’époque et d’environnement ne figent pas les Pères de Hué qui regardent sur le long terme. Et chose étonnante, ils vont se lancer dans une exploitation forestière en défrichant une grande étendue vers le col des nuages. Le bois servira à réparer la ligne de chemin de fer endommagée durant la guerre. Ensuite, sur les parcelles défrichées, ils planteront des arbres fruitiers. L’âge d’or de cette plantation sera en 1951/1952.

Apres 1945, les rédemptoristes vietnamiens prennent progressivement la relève et les pères canadiens doivent les préparer à l’autonomie.

Dans les faits, la guerre d’Indochine se durcit de plus en plus.. le juvénat de Hanoi fusionne avec celui de Hué puis se déportera vers le cap saint jacques / Vung Tau en 1956.

La nouvelle église de Hué se construit ensuite. En 1964, la province rédemptionnistes du Vietnam est inaugurée, signifiant une indépendance par rapport à la maison du canada. D’autres missions sont créés à cette époque, notamment sur les haut plateaux.

Jusqu’en 1965, les rédemptionnistes pratiquaient la flagellation, y compris à Hué! Vatican 2 a eu raison de cette pratique..

Lors de l’offensive du Têt en 1967, les réceptionnistes accueillent à nouveaux des refugiés dans l’église. Ils seront plus de 7000 pendant 1 mois.

En 1975, les missionnaires canadiens sont expulsés. Les installations non liées directement à la congrégation sont saisies. L’ancien juvénat est devenu un orphelinat puis un jardin d’enfants, suivant ainsi les possibilités offertes par l’état aux congrégations. L’Accueil été réquisitionnée pour devenir la Maison culturelle de la jeunesse de la ville de Hue (87 Nguyen Hue).


la sacristie (photo prise en 2012 avec l’autorisation du Père Phuc)

En 2020, on peut lire sur le site des rédemptionnistes que le Vietnam compte 26 communautés avec 360 confrères, 239 prêtres, 7 diacres de transition, 94 étudiants profès, 20 frères, 12 novices, 35 postulants et 80 aspirants.

Principale source sur l’histoire de la congrégation au Vietnam:
Thèse de ÉRIC VINCENT, LA MISSION DES RÉDEMPTORISTES CANADIENS-FRANÇAIS AU VIETNAM ENTRE 1925 ET 1975, 143 pages
https://archipel.uqam.ca/4501/1/M12348.pdf

Sur l’architecture (en vietnamien):
‘https://www.tapchikientruc.com.vn/chuyen-muc/kien-truc-nha-tho-dong-chua-cuu-the-thanh-pho-hue.html

Vues aériennes extraites de la video PK Media sur youtube:
‘https://www.youtube.com/watch?v=4Go4xxKsBdY

Grâce à Albert Kahn, l’Indochine en couleur !

Depuis 2022, les images en couleur de l’Indochine des « Archives de la Planète » sont en ligne! On connaissait quelques unes de ces images à travers des ouvrages papiers ou des expositions, mais la mise en ligne de toute la collection est extraordinaire. Pas moins de 1393 images et 29 petits films concernent l’Indochine !


Pousse pousse local avec roues en caoutchouc, un luxe! On trouve encore les fleurs en arrière-plan.. rien n’a changé, ou si peu!


Flamboyant dans une rue paisible de Hanoi à l’heure de la sieste..

Rappelons qu’il s’agit des images prises par l’officier Français Léon Busy entre 1914 et 1917, photographe ayant mis son talent au service du banquier Albert Kahn. Celui-ci finance le projet de prendre en photo « la planète » en utilisant les meilleurs procédés techniques de l’époque, à savoir les autochromes. Ceux-ci, inventés par les Frères Lumières, sont commercialisés à partir de 1907 et permettent d’obtenir de très belles photos sur plaques de verre. C’est lourd, fragile et cher, et donc rare. Un trésor inestimable et on sait gré au département des Hauts de France d’avoir numérisé toutes ces images. Pas moins de 69.000 photos et films, prises entre 1907 et 1931 dans 50 pays sont à présent disponibles en ligne !

Léon Busy reste donc en Indochine le temps de la 1ere guerre mondiale. Il nous offre des clichés magnifiques sur le Tonkin, à travers des scènes urbaines ou rurales. On remarquera la beauté des flamboyants, des tenues colorées des habitants et mandarins, les pousse-pousse, l’architecture locale.. On est juste un peu déçu qu’il ne soit pas venu à Hué!

Pour accéder aux collections, suivez le lien : https://collections.albert-kahn.hauts-de-seine.fr/simple-recherche?q=

Bon visionnage !


Objets votifs à Ha noi


La famille de SE Hoang Trong Phu, le mandarin le plus puissant du Tonkin

Apothéose pour les artistes indochinois!

Quelle agréable surprise de découvrir la couverture de la Gazette de Drouot (1) avec un gros plan sur un tableau de Mai Thu ! Cela résume bien l’extraordinaire succès des peintres indochinois, au milieu desquels Mai Thu brille de mille feux ! Et dans le numéro suivant, pas moins de 17 insertions relatives à Mai Thu, à travers de nombreuses ventes en France. Avec, comme témoin de son immense succès, des prix qui donnent le vertige.

Cette reconnaissance, que certains diront tardive, est bien justifiée : des portraits sensuels d’enfants et de jeunes vietnamiennes en ao dai, une peinture principalement sur soie avec des nuances de couleurs estompées. Des compositions simples mais o combien harmonieuses.


Tableau de Mai Thu, vendu à Hong Kong par Sotheby’s en 2021, « Femme au Chapeau Conique le Long de la Rivière des Parfums »


Autre peinture de Mai Thu mis en vente en décembre 2023 (Artcurial), peint vers 1950, encre et gouache sur soie. Résultat de la vente: 367.000 euros!

Rappelons que Mai Thu faisait partie de la première promotion de l’école des beaux arts de Hanoi, fondée en 1925. A l’époque, 300 candidats se sont présentés au concours qui s’est déroulé a Hanoi, Saigon, Hue et Phnom Penh. La plupart sont des fils de « bonnes familles », des hauts mandarins ou des lettres. Au final, 10 candidats seulement ont été pris (2) et ont suivi une scolarité de 3 ans. A l’issue, faute de débouchés, ils occuperont des postes de professeurs, comme Mai Thu à Hué pendant 6 ans. Certains partiront en France et.. y resteront ! Mais ils ne renieront jamais leur patrie et continueront de magnifier la beauté de leur pays natal.


Photo des étudiants de l’école des Beaux Arts, avec notamment Georges Khanh, Vu Cao Dam et, au milieu, me semble-t-il, Mai Thu… (source internet)

L’exposition de 2021 consacrée à Mai Thu à Chalon sur Saône a renforcé l’aura de cet artiste. C’est loin d’être terminé, car on nous parle d’une exposition fin 2024 au musée Cernuschi à Paris, réunissant à nouveaux les 3 amis, Le Pho, Mai-Thu et Vu Cao Dam. Et sans doute aussi Le Thi Huu, l’une des rares femmes de l’école des beaux arts, qui partie aussi en France avec le trio précédent. Ce sera à nouveau un grand moment pour la peinture vietnamienne.

(1) Gazette de Drouot du 16 novembre 2023
(2) liste des lauréats, 13 novembre 1925, l’Echo Annamite