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Ham Nghi, empereur exilé et artiste

Qui était donc Ham Nghi, empereur d’Annam qui n’a régné que quelques mois en 1885 ? Héros de la résistance nationale selon les vietnamiens ou dangereux révolutionnaire pour les français ? La parution d’un livre (1) sur lui permet d’en savoir un peu plus sur le personnage et de casser quelque peu le mythe.


Portrait du roi Ham Nghi, Wikipédia

On rappellera juste que le roi (2) Ham Nghi a été rendu responsable par les français d’avoir déclenché une attaque puis un soulèvement contre eux en 1885. Il avait alors 14 ans ! Capturé après 3 ans de fuite, le roi est aussitôt exilé à Alger ou il restera jusqu’à la fin de ses jours en 1944.
Amandine Dabat a eu accès à sa correspondance, ce qui permet de mieux comprendre l’état d’esprit de l’empereur déchu. A son arrivée en Algérie, il n’a rien perdu de sa haine contre les français. Il ne reniera jamais le régent qui l’a entrainé dans une pareille folie. Mais loin de sa patrie, sans famille ni amis, ne parlant pas le français, il n’a d’autres choix que de se résigner. Mais cette attitude va progressivement évoluer vers des sentiments meilleurs au fur et à mesure des amitiés qu’il va nouer et de la vie matérielle qu’on lui offre. Il peut notamment développer ses talents artistiques en toute liberté. Il se marie en 1904 avec une française avec qui il aura 3 enfants. Il mène une vie artistique et bourgeoise, emprunte de nostalgie et de tristesse, mais sans jamais aborder sa vie d’avant ni même esquisser le moindre propos politique. Sa vie sociale est riche et il noue de nombreuses amitiés sincères avec des hommes politiques, des artistes et l’aristocratie locale. Avec femme et enfants, il se rend fréquemment en métropole pour rendre visite à sa belle famille, pour des vacances au bord de la mer ou pour exposer ses toiles. Ses enfants recevront une éducation française et son fils deviendra même officier dans l’armée française, passant l’essentiel de sa vie militaire en Afrique du nord et luttant, on peut l’imaginer, contre les nationalistes locaux.. La pensée de Ham Nghi se trouve sans doute dans cette phrase souvent entendue par ses enfants: « Vous ne serez jamais de bons Annamites, alors soyez de bons français ».


Le Prince d’Annam, 1926, The Bancroft Library, photo extraite du livre d’A. Dabat

L’exploitation méthodique de son abondante correspondance fournit un luxe de détails sur nombre de ses relations. Tout porte à croire qu’il a fini par changer d’opinion sur la France.
Mais ce livre n’est pas une biographie. Ham Nghi n’a jamais voulu évoquer ses souvenirs, n’a jamais écrit ses mémoires. Les témoins de son histoire ne sont plus là pour en parler. Et que valent ses propos dans des courriers dont on sait qu’ils faisaient l’objet de surveillance ? C’est vrai que ses silences ont alimenté fantasmes et fascination. L‘ouvrage montre que « le Prince d’Annam », comme les français l’appelaient, n’avait pas l’envergure qu’on voulait lui faire porter.


Exposition consacrée à Ham Nghi en 2023, au musée des objets royaux de Hué.

Reste l’artiste et le talent de l’auteur est d’avoir retrouvé de nombreuses peintures, dessins et sculptures. Ham Nghi était vraiment doué, même si on peut regretter l’absence de portraits ou de scènes de vie. L’essentiel de ses peintures sont des paysages locaux dans le style classique, impressionniste ou nabis. Seule une partie des œuvres a été retrouvée, la plupart ayant disparu lors de l’incendie de la propriété d’Alger lors de troubles en 1964.
Ham Nghi repose aujourd’hui dans le cimetière de Thonac, en Dordogne, loin de son pays natal. Le gouvernement Vietnamien aimerait bien rapatrier sa sépulture à Hué, mais la famille semble s’y opposer. C’était pourtant le souhait de l’empereur.


Marcelle Laloe, la femme de Ham Nghi, et leurs 3 enfants. 1918. Photo extraite du livre d’A. Dabat, fonds Capek

La moralité de cet ouvrage est que si vous souhaitez laisser une trace précise de votre vie, il faut écrire vos souvenirs vous-même. Ne pas le faire vous expose soit à tomber dans l’oubli, soit à prendre le risque de voir votre vie dénaturée par d’autres. Si vous pensez que votre vie n’a pas été à la hauteur des attentes des autres, ne faites rien non plus, cela entretiendra pour l’éternité une certaine aura de mystère ..

Article dédié à la famille Laloe de Lille.

(1) : Ham Nghi, Empereur en Exil, artiste a Alger », Amandine Dabat, Sorbonne Université Presse, 2019, 544 pages. Livre présenté à Hue en décembre 2022. Amandine Dabat fait partie de la descendance de Ham Nghi.
(2) : j’emploie sans distinction le terme « roi » et « empereur »

Le confucianisme (partie 2)

Enseignées par les lettrés dans les villages, les études confucéennes visaient moins à acquérir des connaissances qu’à inculquer une morale, à donner des règles de vie, des principes de conduite. Dès le premier jour de classe, des gosses de six ans récitaient « Dès sa naissance, l’homme est bon par nature…Le jade non travaillé n’a aucune valeur.. L’homme qui n’étudie pas, ne connait pas le principe des choses… »
Pendant des années, l’enfant, puis le jeune homme, puis l’homme mûr récitait, commentait des sentences, des textes classiques, pour savoir comment honorer ses parents, se conduire envers ses frères et sœurs, comment servir son roi, comment se comporter en toutes circonstances dans la vie. L’histoire était très étudiée, non pour connaître le déroulement des événements ou le développement des sociétés, mais pour y puiser des exemples de comportement. Peu importait que ce fût l’histoire chinoise, et non l’histoire vietnamienne: bien plus riche, l’histoire de Chine fournissait une matière beaucoup plus volumineuse pour donner des exemples d’attitudes, de comportement des personnages et éclairer la doctrine morale du Maître.

Confucius avait été parmi les premiers penseurs de l’humanité à centrer toute l’attention des hommes sur des problèmes purement humains. Il avait été le premier humaniste, au sens plein du mot.

S’il fallait en définir les composantes essentielles, on pourrait les réduire à quatre :
– la tolérance envers autrui (ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît à toi-même),
– le savoir qui permet d’adopter une attitude juste dans toutes les circonstances de la vie,
– le courage pour remplir ses obligations,
– la bonne tenue selon les rites

L’homme confucéen est donc quelqu’un qui a fait beaucoup d’études, mais son instruction est relativement bornée, car il ne s’intéresse qu’aux « sciences humaines » et reste complètement indifférent à tout ce qui concerne la nature. Il est profondément moral, imbu de principes auxquels il croit sincèrement. Il ne peut concevoir que l’homme puisse se dérober à ses obligations sociales. Il est cérémonieux, respectueux des conventions sociales, ne tolère aucun laisser-aller dans ses gestes, ses paroles, son habillement.

Le confucianisme était en réalité plus que conservateur, il se tournait résolument vers le passé. Même la piété filiale doit être considérée du point de vue du maintien de l’ordre social. La piété filiale devient une chaîne bridant toute initiative. Quand les parents sont en vie, il est interdit aux enfants de voyager. Honorer ses parents, c’est surtout faire comme eux, vivre comme eux, ne rien changer aux habitudes de vie et de pensée.

Pour l’instruction, il s’agissait avant tout d’apprendre par cœur des textes, de savoir les commenter dans l’esprit de la plus complète orthodoxie. Il ne fallait pas changer une seule virgule aux textes « sacrés ».

Mais une question d’importance n’avait pas été tranchée directement par Confucius. D’où venait le pouvoir ? Quelle était la justification, l’origine de toutes ces règles, ces rites, ces principes à suivre ? Le ciel ou le peuple ? Ce n’était pas qu’un débat idéologique mais un combat séculaire. Les paysans sans terre réclamaient plus d’équité, moins de corvée, l’abaissement des fermages. Les idéologues de la monarchie absolue considéraient que le roi recevait un mandat du ciel pour gouverner en son nom. Le pouvoir était donc céleste. Les mandarins suivaient bien entendu cette dernière ligne et finissaient par abuser de leurs prérogatives.

Restaient les lettrés des villages qui vivaient près du peuple. Ils étaient les maitres à penser des villages, dispensant leurs conseils au quotidien. L’ordre moral dépendait de cette vaste confrérie de lettrés que chaque concours rassemblait par milliers dans les centres administratifs du pays. Les mêmes livres et les mêmes maîtres avaient formé les mandarins et les lettrés, mais pendant que les uns s’enfermaient derrière les murs des résidences mandarinales, les autres continuaient à vivre au milieu du peuple, parmi les paysans des villages.

Les lettrés communiaient dans la même vénération de l’Empereur que les mandarins dans les périodes de prospérité. Mais advienne une inondation catastrophique, une sécheresse prolongée, le règne d’un roi débauché, les paysans pauvres exaspérés se révoltaient. Et des lettrés de village prenaient alors la tête du mouvement, se réclamant du moralisme confucéens pour essayer de renverser la monarchie régnante

Ce mouvement d’oscillation dura jusqu’à l’arrivée des français.

(à suivre)

Les mandarins et les lettrés (partie 1)

Dans le Vietnam féodal, l’empereur régnait, les mandarins administraient.

Pour devenir mandarin, il fallait réussir un concours qui se tenait en général tous les 3 ans. Le premier concours avait été institué en 1078 et les français y ont mis fin en 1919. Les concours étaient ouverts à tous les hommes. Les épreuves comportaient des dissertations littéraires, morales, politiques, la composition d’un poème, la rédaction de textes administratifs.. La morale confucéenne était la base de ces épreuves.


Proclamation des lauréats lors du concours triennal de Nam Dinh en 1897, colorisation d’une photo d’A. Salles, source Gallica

Des concours régionaux décernaient des titres de bacheliers et de licenciés. Ceux-ci avaient ensuite le droit de se présenter aux concours impériaux qui se passaient à la capitale, sous la haute autorité de l’Empereur lui-même, pour les titres de doctorat.

Les candidats se pressaient par milliers dans les centres régionaux, chacun venait avec une tente, une tablette, s’installait avec les autres sur un vaste terrain réservé à cet effet. Du haut de grandes guérites, les mandarins examinateurs surveillaient les candidats, et des miliciens faisaient la ronde pour enrayer toute tentative de fraude.

II y avait beaucoup de candidats, très peu d’élus, à peine une centaine sur plusieurs milliers dans les concours régionaux. En presque un millénaire, il avait été décerné seulement deux mille titres de doctorat. On peut encore voir aujourd’hui quelques-unes de leurs stèles au temple de la littérature à Hanoi ou à Hué.

Quand les lauréats rentraient au village natal, les autorités locales et la population les accueillaient, musique et drapeaux en tête, et toute la population allait à leur rencontre. Devenir mandarin a été pendant des siècles le rêve suprême de la jeunesse masculine. Car c’était beaucoup plus qu’une réussite universitaire: le lauréat sortait des rangs du peuple pour entrer dans la caste des mandarins.


Retour d’un lauréat en ville, en 1897, colorisation d’une photo d’A Salles, source gallica

Car le mandarin est beaucoup plus qu’un fonctionnaire assis derrière son bureau. La vie du mandarin se situait pour ainsi dire à mi-distance entre celle du seigneur féodal et celle du fonctionnaire moderne. La résidence mandarinale était à la fois bâtiment administratif et logement familial. Quand il sortait, deux ou trois gardes le suivaient, porteurs d’enseignes, de parasols, et devant ce décorum, les gens s’écartaient et saluaient respectueusement. Quand il allait voir le mandarin, l’homme du peuple se trouvait face à un représentant de la majesté impériale. Le déploiement de bannières, d’enseignes, d’armes, d’inscriptions en lettres d’or, toute une étiquette faite de gestes, de formules obligatoires l’incitaient à courber la tête, à baisser le ton de la voix.


Mandarin avec ses attributs, en tournée (photo colorisée)

Les milliers de candidats malheureux aux concours mandarinaux retournaient au village et continuaient inlassablement à préparer le concours suivant. Ainsi on voyait des lettrés se présentaient fort âgés et affronter les mêmes épreuves que des jeunes gens âgés de 18 ans. Mais il fallait aussi gagner sa vie. Mais quand on avait fait des études pendant de longues années, il n’était plus de mise de tenir la charrue ou des outils d’artisan, encore moins de pratiquer un négoce. L’administration royale vous dispensait de toutes les corvées. On restait un lettré pour le reste de ses jours. Alors on se faisait précepteur, maître des cérémonies, écrivain public. Certains devenaient médecins, faisaient de la géomancie, ou excellait dans le théâtre local. Mais la fonction la plus honorable était celui de maître d’école. A cette époque, l’Etat ne s’occupait pas des écoles laissées entièrement à l’initiative privée. Mais la soif d’apprendre était telle que les écoles existaient partout. Les enfants du village venaient là pour apprendre à lire, à écrire, à réciter par cœur les textes classiques. Les plus avancés apprenaient à disserter sur les thèmes traditionnels de la doctrine confucéenne. Même les familles pauvres faisaient leur possible pour envoyer leurs enfants (du moins les garçons) en classe, au moins pour apprendre quelques maximes. Partout c’était le système du maître unique et de la classe unique. Dans un coin, des enfants ânonnaient quelques idéogrammes qui devaient leur inculquer les fondements de la morale traditionnelle, pendant que le maître commentait pour des hommes quelquefois très âgés des textes ardus, les préparant aux grands concours. Le nombre des élèves dépendait essentiellement de la notoriété du maître. Les grands lettrés jouissaient d’une réputation et d’une audience nationale.


Lettré en train d’enseigner

L’école Jeanne d’Arc de Hué

C’est encore une page qui se tourne pour le Hué d’autrefois avec la destruction courant 2022 des derniers bâtiments historiques de ce qui fut l’institution Jeanne d’Arc, première école des filles de la ville.


Les bâtiments de l’ecole avant leur destruction

On doit la construction de cette école à la congrégation des sœurs de Saint Paul de Chartres, très active en Indochine. Les sœurs sont arrivées à Hué en 1893, à la demande de l’Evéque Mgr Gaspar. C’est plus spécifiquement à Sœur Isaac que l’on doit la création de l’école. Sœur Isaac passa d’abord quelques années au Japon puis arriva en Cochinchine ou elle fit un court séjour. Elle rejoint ensuite, en 1897, la Sainte Enfance de Hué, orphelinat situé dans le quartier Kim Long. Elle fonda quelques années après l’institution Jeanne d’Arc en plein centre de la ville et en devint la supérieure. Nous sommes alors en 1910. Les bâtiments qui viennent d’être détruits furent construits sous son impulsion et inaugurés en 1931.

L’institution Jeanne d’Arc fut créée peu avant la création de la paroisse dont on peut voir l’église juste en face. En fait, la paroisse a été créée en 1911 et la construction d’une première église démarra à partir de 1914. Du fait de la guerre, elle ne sera terminée qu’en 1918. Entre temps, c’est un bâtiment de l’institution qui servit de chapelle, d’ailleurs essentiellement fréquentée par les français. Il faut rappeler que la rive droite de Hué était très peu peuplée à cette époque, quelques bâtiments officiels et de grandes maisons coloniales, le tout entouré de rizières.


L’ancienne chapelle

L’école Jeanne d’Arc était la première école primaire de Hué pour les filles. C’était à la fois un internat et un externat. D’autres bâtiments furent construits par la suite, en raison du succès de l’institution. Un pensionnat pour les jeunes filles vietnamiennes fut inauguré dans les années 20. Dans les années 40, il semble que l’école primaire était mixte, mais que le collége était réservée aux filles. La rue s’appelait rue Courbet à cette époque, l’Amiral Courbet étant celui qui bombarda les forts de Thuan An (15km de la ville sur la cote) en 1883 pour faire pression sur le pouvoir royal afin d’obtenir la liberté religieuse…


En 1939, la reine Nam Phuong est venue faire une visite officielle à la Sainte Enfance, à Kim Long

L’église des « français » prendra le nom de Saint François Xavier en 1922 sous l’impulsion du missionnaire et curé François Lemasle (Mep), qui deviendra en 1937 évêque.

Sœur Isaac est décédée le 3 mars 1934 après avoir passé 36 ans à Hué. Elle venait de célébrer ses noces d’or, 50 ans de vie religieuse..


L’ecole Jeanne d’Arc vers 1925

L’institution Jeanne d’Arc a été transférée au gouvernement vietnamien après 1975. C’est devenu un lycée mixte qui s’appelle Nguyen Truong To (3 rue Nguyen Tri Phuong). Etonnement, la chapelle est restée en place jusqu’à sa destruction, sans modification du bâtiment.


On distingue dans cette vue prise du haut de l’hotel Imperial en 2014 toute l’école. A cette date, existent encore d’autres bâtiments anciens, reliés par un passage couvert. Au fond, l’église Saint Francois Xavier. A droite, une école qui fut autrefois l’école primaire Chaigneau puis lycée des Français plus tard

Une page facebook existe et regroupe des anciens élèves nostalgiques de leurs années d’étude dans cette école.

Sources: Mep sur gallica

Fiard et Dérobert, deux familles qui ont fait connaitre les richesses de l’Annam

La mise en ligne fin 2021 (1) d’un album de photos de la Maison Fiard et Dérobert nous permet d’en savoir un peu plus sur cette société présente en Annam dès le début de la présence française. Cette contribution s’ajoute à la mise en ligne d’une photo de l’enseigne commerciale lors d’une vente aux enchères en 2015. Voila de quoi approfondir l’histoire hors norme de cette maison de commerce..


L’enseigne de la société mise en vente en 2015 à Lyon

Origines

Les Dérobert sont des soyeux de Lyon (au Clos Bissardon exactement), les Fiard semblent être des négociants arrivés tôt en Cochinchine. Mais on manque d’informations sur leurs origines.
On sait juste que les 2 associés étaient en Cochinchine en 1874, soit quelques années à peine après l’arrivée des français, et ont créé la même année une société d’importation de produits comestibles à Saigon sous l’intitulé « Fiard jeune, veuve Fiard et Cie, H. Dérobert ».

Mais en raison du climat difficile de Saigon, ils décident de changer d’air et d’aller à Hué en 1886, au lendemain des prises de l’Annam par les Français.


Photo la plus ancienne que je connaisse d’une maison francaise à Hué!

Des commandes providentielles du roi..

Leur parfaite connaissance des produits de soierie leur permet de présenter au nouveau roi Dong Khanh les plus belles pièces de Lyon. Le roi Dong Khanh est séduit et leur passe une première commande en 1888, essentiellement pour habiller les femmes du harem. Jusque la, c’était la Chine qui fournissait ces articles de luxe, à un prix nettement plus élevé. Dong Khanh est un roi épris de modernité et on imagine l’effervescence qui règne dans la citadelle face à des produits nouveaux et d’une grande qualité. Et 6 mois plus tard, une autre commande est passée, celle-ci 25 fois plus importante, comprenant des soieries, mais aussi d’autres produits comme des velours, des damas et des étoffes de toutes sortes… Le tout représente 85.000 metres de tissus!
Faire du commerce avec l’Annam n’est pas simple à cette époque. La question du règlement est d’importance. N’ayant aucune monnaie commune, le paiement se fait en or et en argent. Mais ces métaux précieux doivent être acheminés jusqu’en France pour analyse et estimation de la valeur.

Mais peu importe, cette seconde commande, c’est la fortune assurée pour les 2 associés. Cette commande est pour eux la chance de leur vie. Dans l’euphorie et dans l’espoir de vendre toujours plus, une robe de cour d’une grande valeur (40.000 cartons Vincenzi ) est même tissée à Lyon…


Le roi Dong Khanh, mort à l’age de 24 ans !

Hélas, le roi meurt de paludisme quelques mois après et son successeur n’a que 10 ans. Les régents vont mettre fin aux dépenses somptuaires et les commandes seront stoppées net. La fameuse robe tissée pour éblouir le roi est conservée en France et sera même exposée à la foire de Londres en 1900.


Portrait de Monsieur Dérobert en 1905 (source BAVH Collection Husson)

Après 1890, vers le marché local

Les 2 associés n’ont pas d’autres choix que de se porter sur le commerce local, et décident d’aller à Faifoo (Hoi An aujourd’hui), le port ouvert sur l’étranger. Mais ce marché est autrement plus difficile à pénétrer : domination historique des maisons de commerce chinoise, lien traditionnel avec les marchés de Hong Kong et de Singapour, manque de confiance dans les français, non reconnaissance de la piastre comme moyen de paiement, méconnaissance du pays et de ses habitudes par nos 2 colons…

On peut imaginer quelle détermination il a fallu pour démarrer un courant d’activité avec l’Annam.

L’introduction des cotonnades françaises semble prometteuse et ce fut leur premier succès.

Mais du coté des exportations, que faire ? L’Annam est un petit pays coincé entre la mer et la chaine de montagne annamitique. Les ressources sont certes variées mais toutes exploitées en faible quantité. Beaucoup pensent qu’il n’y a rien à faire ici pour une maison occidentale. Nos deux associés pensent le contraire et vont passer toute leur vie à œuvrer pour faire valoir les produits locaux. C’est sur, tout est à faire et c’est une œuvre de longue haleine qui commence.


Maison d’habitation et bureaux à Tourane vers 1906

Au début, ils achètent auprès des paysans tout ce qui peut s’écouler à l’étranger, comme du maïs, du manioc, de l’huile de coco, du sésame, des arachides, du sisal (fibre végétale), de la soie grège.. Ils exportent aussi de la cannelle, du benjoin (résine utilisée comme de l’encens), du stick lac (autre résine), du rotin, des joncs, du bois brut utilisé pour la fabrication des cannes, des peaux et des cornes de buffles..


Vue des établissements D&F à Tourane, une photo qui montre l’importance de la société à cette époque

Ils testent aussi d’autres plantations, comme le café et le coton. Ils réussissent à exporter du sucre de canne, mais les variations erratiques des cours en Europe leur compliquent la tache.

Mais ils s’intéressent surtout au thé. Pour eux, le thé d’Annam est bien supérieur à celui de la Chine. Encore fallait-il convaincre les importateurs et les consommateurs européens. La tache est immense. Ce sera la grande affaire de leur vie et on y reviendra.

Mise en place du réseau commercial

Le port de Faifoo n’est pas adapté aux bateaux vapeurs.

La création du port de Tourane va changer la donne. En 1899, Messieurs Pila et Malon s’activent à réactiver la mine de charbon situé à 65km de la cote. Pour exporter leur charbon, ils obtiennent le droit de construire un port moderne sur l’ilot de l’observatoire, en bordure de mer. Même si les travaux sont lents et partiels, c’est une étape essentielle pour la maison Dérobert et Fiard qui y installent leur siège.

Les importations se feront via ce port. Les principaux produits seront du pétrole, des allumettes, des fers, des outils, de la quincaillerie, des explosifs, des ciments, des produits alimentaires, des tissus et filés de coton. Certains produits seront progressivement fabriqués sur place comme le ciment Portland à Haiphong, les allumettes à Ben Thuy et surtout les cotonnades à Nam Dinh.

En 1906, le train voulu par Paul Doumer circule entre Tourane et Hué. Ce nouveau mode de transport va révolutionner les échanges dans le pays, car les routes carrossables ne se construiront que lors de la décennie suivante. Une agence est créée à Hué.

Progressivement, les activités Fiard-Dérobert s’étendront sur les 800km de la cote d’Annam entre Tuy hoa et Dong Hoi, à travers un réseau qui comptera jusqu’à 24 comptoirs.

Ces comptoirs sont notamment animés par les ventes de pétrole de la Standart Oil Company du fameux Rockfeller, dont ils sont l’agent en Annam.


Maison du directeur de la maison R&F à Tourane, sans doute vers 1931

Ces comptoirs permettent aussi de réceptionner tous les produits de l’intérieur avant leurs exportations. En étant au plus prêt des producteurs, on maitrise mieux la qualité. Les principaux dépôts sont à Tourane, Quy Nhon, Hué, Faifoo et Lien Chien.

Au fil des ans, d’autres activités viennent s’ajouter, comme une tannerie à Hué ou l’exportation d’albumine (jaune d’œuf) vers la France pour être utilisé dans la pâtisserie.

La mise en valeur du Thé

Mais revenons à la question du thé. Depuis toujours, le thé vert pousse déjà sur les pentes de l’Annam. Ce sont des exploitations familiales, et les méthodes de cultures sont ancestrales. Les quelques colons installés en Annam se mettent à rêver. Si les français se mettaient à boire du thé comme les anglais et si l’Indochine pouvait remplacer la Chine ou Ceylan comme origine, ce serait la fortune ! D’autant plus que le cout de revient du thé produit sur place est dérisoire comparé aux prix de vente en Europe. Un missionnaire proche de Tourane, le père Maillard, a déjà commencé à améliorer la qualité en adoptant les techniques de Chine (article a venir). Et les échantillons envoyés en France ne reçoivent que des éloges. Tout cela est prometteur..


Emballage du thé à l’usine de Faifoo

Les débuts se passent bien et les experts européens en thé semblent ravis. Le thé d’Annam se rapproche sensiblement du thé de Chine, en gout, mais avec cependant une teneur plus importante en théine.

Pourtant, s’il est facile d’ensacher des graines, il est autrement plus difficile de préparer un bon thé.
Les négociants se contentent d’acheter les feuilles de thé aux populations locales et mises sur leurs investissements pour améliorer le traitement des feuilles. Des usines naissent, des machines sont importées.

Mais la qualité n’est pas à la hauteur des espérances.

C’est la culture et la récolte qui posent problème. Les paysans préfèrent cueillir des feuilles lourdes et grosses, plus rémunératrices. Le tri des feuilles se fait donc dans les ateliers, non lors de la récolte, ce qui ne permet pas d’obtenir un thé de qualité.
De plus, les achats se font via des grossistes chinois qui n’hésitent pas à ajouter des feuilles étrangères pour gagner plus. Cela ne gène pas les vietnamiens qui en ont l’habitude et qui trichent eux meme. Mais le résultat est délétère pour les consommateurs étrangers et entache la réputation des thés de l’Annam.


Le personnel de l’agence de Tourane en 1912.

Quant à la concurrence de la Chine et de Ceylan, elle s’intensifie. Les producteurs se groupent et excellent dans les campagnes publicitaires à destination des pays acheteurs. L’Indochine ne peut pas rivaliser. Elle arrive tout juste à émettre une ordonnance contre la fraude en 1919 (qui restera sans effet).


Sortie de l’usine de préparations des thés à Faifoo (hoi an)

De fait, les principaux acheteurs sont les militaires, sensibles au taux de théine, et les fabricants d’alcaloïdes pour les produits pharmaceutiques ! Certains colons abandonnent, comme la maison des thés Lombard qui fera faillite au bout de 15 ans de dur labeur.

La société Dérobert et Fiard semble s’en sortir mieux que les autres. Apres l’usine créée en 1912, elle ouvre 4 autres centres de production, toutes dans le centre Vietnam.

Mais les volumes restent modestes, sans doute loin des ambitions du départ. Elle exportait 19 tonnes en 1898, 174 en 1904, 305 tonnes en 1909 et 400 tonnes en 1921. Quand à l’écoulement sur le marché local, il ne fallait même pas y penser, les habitudes et le pouvoir d’achat ne correspondaient pas au thé vendu.

Les autres colons lorgnent sur d’autres cultures, comme le café et l’hévéa, dont les rendements sont autrement plus rémunérateurs. Au vu de l’album photo, les Dérobert et Fiard continuent de croire au potentiel du thé.

Henri Dérobert et sa famille

Henri Dérobert meurt en 1919. Il s’était marié avec une femme vietnamienne avec qui il aura une seule fille, Jeanne, née en 1896. Celle-ci épouse Wladimir Morin, en 1914. Lui est à la tête, avec ses frères et sœurs, d’hôtels prospères à Hué et à Tourane. Le décès d’Henri Dérobert 5 ans plus tard puis de Jeanne elle-même en 1925 va permettre aux Morin d’étendre considérablement leurs affaires. Jeanne et Wladimir avaient eu 4 enfants, ce qui assurera l’avenir de l’édifice familial.


Jeanne Derobert et Wladimir Morin, et leur fille Jeanne (source BAVH)

Joseph Fiard

Apres le décès d’Henri Dérobert, la direction de la société est confiée à Joseph Fiard. Il décédera à son tour à Lyon en 1928.
La société semble toujours très active et prospère en 1931, date à laquelle l’album historique de la société est publié. Mais en 1935, sans doute victime de la crise de 29, la société Fiard et Cie fait faillite. Une nouvelle société est créée en 1938, avec les mêmes activités que précédemment.

Les enfants Fiard étaient signalés en 1945 à Hué, preuve que la famille résidait toujours en Annam à cette époque.


La station climatique de Bana était proche de Tourane. C’est aujourd’hui un village de loisirs « Bana Hills » auquel on accéde en téléphérique.


Photo de familles (source Jean Cousso, Bavh)

La suite de l’histoire reste à écrire…

Le départ des français en 47 ou en 55 a probablement signé la fin d’une belle histoire en Indochine.

Apres toutes ces années, les activités commerciales ont bien-sur changé de nature. Mais que reste-t-il de l’activité du thé, si chère aux 2 associés ?
Eh bien, il reste toujours des plantations de thé autour de Danang, mais peu. Il s’agit pour l’essentiel de thé vert, dont les feuilles « grosses et lourdes » sont toujours vendues sur les marchés et qui sont simplement broyées dans de l’eau bouillie par les habitants. Le Vietnam continue d’exporter du thé, mais via de grandes plantations au nord, à des altitudes plus hautes.

Je suis preneur de tout complément d’informations pour enrichir cet article!

Source principale:
(1): l’album de photos, plus detaillé que le présent article : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53228898g.r=Maison%20Fiard%20et%20Derobert?rk=21459;2

Autre source: multiples, sur Gallica

Hommage au missionnaire Raphael Fasseaux, un « saint homme »

Je suis toujours impressionné quand je vois des bustes de missionnaires européens dans certaines paroisses vietnamiennes. Qu’ont-ils fait de si extraordinaire pour être toujours honorés de nos jours ?

C’est le cas du missionnaire Fasseaux dans la paroisse de Nuoc Ngot (« eau douce »), à mi chemin entre Hué et Danang.


L’église actuelle de Nuoc Ngot. L’église construite par le P. Fasseaux a été épargnée par la guerre mais a été reconstruite depuis.

Raphael Fasseaux est né au canada en 1896 de parents belge partis la bas pour y vivre mieux. Mais suite à la perte de leur premier enfant, ils décident de rentrer au pays, à Strée, dans le Hainaut belge, à proximité de la frontière française et de l’avesnois.


Le buste du P. Fasseaux, avec le curé actuel de la paroisse, le Père Phanxicô Xaviê Ho Van Uyen, et la Soeur en charge du centre d’acceuil « Thérésa »

Quelques années plus tard, Raphael entre aux MEP, devient prêtre en 1922 et rejoint sa terre de mission, à Hué, l’année suivante. Il fait sensation en arrivant avec une solide bicyclette Manufrance. L’évêque du diocèse, Mgr Allys, l’accueille avec joie d’autant plus qu’il est le premier religieux à rejoindre l’ Annam depuis 1913. Après diverses taches et l’apprentissage de la langue vietnamienne, il rejoint la paroisse de Nuoc Ngot, qui sera la grande affaire de sa vie.

Nuoc Ngot est une paroisse pauvre de campagne. Elle a été créée avant 1750 et a subi de nombreuses épreuves. En 1883, lors des persécutions menées par le roi Tu Duc, le curé et 43 paroissiens sont violement tués. Un martyrium a été construit à quelques kilomètres du village pour rappeler cet événement douloureux.


Intérieur de l’église de Nuoc Ngot

Le jeune missionnaire qui arrive est un solide gaillard, énergique et déterminé. Et un bâtisseur! En quelques années, il construit une église, une école, un dispensaire et accueille les Filles de Marie Immaculée (FMI) (1) pour faire tourner ses œuvres. Apres un passage de 4 ans comme professeur au grand séminaire de Hué, il revient dans sa chère paroisse. Ses premiers édifices, construit à Nuoc-Ngot, servent de modèles et sont érigés par ses soins dans plusieurs villages voisins. En 1940, une maternité et un hôpital, un centre d’hébergement pour personnes dépendantes voient le jour, fréquentés par plusieurs centaines de patients tous les jours. En 1944, il ouvre un centre de formation pour les sœurs.

Ingénieux et malin, il arrive à obtenir à bas prix les matériaux dont il a besoin des entreprises de Tourane (Danang aujourd’hui) et des fonds de Belgique et de France. Par son entregent, il obtient les soutiens nécessaires. Comme pour l’église de Nuoc Ngot où 3 cloches, fondues en France, lui ont été offertes : l’une par les Mep, l’autre par sa famille, et la troisième par la reine Nam Phuong. Elles ont fait la fierté du diocèse pendant de nombreuses années.

Au delà des constructions, c’est le grand cœur et la simplicité du père missionnaire qui éblouirent les villageois, catholiques ou pas. On parle de lui comme d’un « saint vivant », avec une « vie vertueuse, charitable, simple, pauvre ». Sa nécrologie donne de nombreux exemples : « On pouvait rencontrer le jeune Père Raphaël, à cette époque, parcourant les 50 km qui le séparaient de Hué, juché sur sa légendaire bicyclette, la barbe au vent, souvent pédalant nu-pieds…. Il aurait pu prendre le train qui passait à 500 m de son église, mais il se voulait exactement adapté à la mentalité simple et surtout au niveau de vie des plus modestes des braves cultivateurs qu’il évangélisait. D’une sobriété ascétique que sa robuste santé pourra supporter jusqu’à ses dernières années, il se contentait le plus souvent d’un ou deux bols de riz frugalement assaisonné de saumure de poisson et de quelques légumes et d’une banane, ce qui représentait à peu près le repas du pauvre. » Il dort sur une planche en bois avec un oreiller dur, à la mode du pays.

En revanche, toutes les ressources dont il dispose sont utilisées pour améliorer le sort de ceux qui l’entourent. Achat de terre agricole qu’il distribue, mise en place de plantations, vente de bois pour les locomotives du chemin de fer…


Le portrait du Père Fasseaux (source Mep)

Lors du coup de force des japonais le 3 mars 1945, il n’est pas trop inquiété, car il a la nationalité belge. Lors des événements de fin 1946- début 1947, il voit ses collègues français emmener à Vinh, à 360km de Hué. Les troubles ne cessent pas et il doit finalement rejoindre Hong Kong pour un temps puis repartir en Belgique, en 1950. Apres les accords de Genèvre, il revient au Vietnam, dans plusieurs paroisses, le long du 17eme parallèle. En 1966, la guerre s’intensifiant et souffrant lui-même de problèmes de santé, c’est avec un immense déchirement qu’il doit repartir en Belgique ou il mourra 3 ans plus tard dans sa paroisse de Ragnies.

Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ? Le dévouement et l’exemplarité du père missionnaire ont impressionné nombre de villageois. A tel point que de nombreux enfants du pays sont devenus prêtre.
Et si la plupart des bâtiments et terrains ont été transférés au gouvernement en 1975, la communauté catholique est toujours bien vivante! La paroisse compte officiellement 2000 paroissiens mais la moitié d’entre eux sont partis loin du village pour travailler dans les grandes villes. Il faut dire que les terres tout autour de Nuoc Ngot sont pauvres, aucun arbre fruitier ne pousse. Coincé entre la lagune et les collines de l’Annam, le climat est rude en été, terriblement humide l’hiver.
Les Filles de Marie Immaculée sont toujours là, s’occupant d’un centre d’accueil pour les enfants. Certains viennent des ethnies du centre Vietnam, d’autres sont handicapés ou malentendants, la plupart sont orphelin de père ou de mère. Le Resort Laguna, situé non loin, apprend aux enfants à dessiner. 16 religieuses s’occupent de ce centre. La canada et le japon font partis des donateurs.


La rivière sur laquelle avait été construit le barrage « Pasteur »

Un peu plus loin dans le village, on trouve une jolie rivière ou les français avaient construit un barrage pour irriguer les alentours. Le barrage qui s’appelait « Pasteur » a permis de faire vivre toute une communauté catholique que le père Fasseaux a installé là vers 1937, en y construisant une église et en y installant des religieuses. L’église a été rasée lors des événements de 1968, et le barrage a été remplacé récemment par un autre, plus en amont. La maison des sœurs existe toujours et 2 sœurs s’occupent du catéchisme. La plupart des villageois sont partis ailleurs.


La maison des soeurs près de la rivière

Que cet article rende hommage à tous ceux qui font preuve de charité!

Merci au Père Phanxicô Xaviê Hồ Văn Uyển et aux religieuses pour leur accueil et le temps passé à nous faire visiter la paroisse.

(1): La congrégation des Filles de Marie Immaculee (FMI) a été fondée à Hué en 1920, et vient de fêter son centenaire. Elle est riche de 465 soeurs dans 12 dioceses.

Sources:
– site internet de la paroisse, https://tonggiaophanhue.org/tgp-hue/luoc-su-cac-giao-xu/luoc-su-giao-so-nuoc-ngot/
– site IRFA des Mep