Cambodge: renaissance du Bokor Palace !

La vieille route étroite construite du temps des français vient de laisser place à une route magnifique, extravagante dirons nous, pour accéder au sommet de cette station d’altitude créé au début des années 20. Aujourd’hui, des centaines de cambodgiens s’afférent non loin du sommet à construire un immense hôtel casino. Quant au Bokor Palace, vestige de l’époque coloniale et abandonné depuis des décennies, il est en cours de rénovation !

La création de la station du Bokor revient au Résident Supérieur Beaudoin. Il s’agit de créer alors une station d’altitude qui soit « mieux et plus grand » que Dalat. Dalat est à 1500 mètres d’altitude contre 1060 mètres pour le Bokor, jugé donc plus accessible pour les populations anémiées. On y aménagera une ferme d’élevage qui fournit du lait, une station agricole avec des cultures maraîchères, des arbres fruitiers, une roseraie et des plantations de thé. Mais pour obtenir des financements pour la station et la promouvoir, rien de tel que d’y installer un palace. A cette époque en effet, on cherche à attirer en Indochine les riches touristes. A peine 500 touristes visitent « les ruines d’Angkor » alors qu’ils sont dix fois plus à visiter les colonies hollandaises de Java… On a de grosses ambitions pour le site du Bokor qui doit devenir à terme le sanatorium du Cambodge, de la Cochinchine mais aussi du Siam. Les européens et américains vivant à Bangkok, distant de 600 km par la mer, sont particulièrement visés, et peuvent se rendre en bateau par liaison hebdomadaire au nouveau port de Réam, situé non loin du Bokor.

Ce sont les prisonniers cambodgiens qui vont construire la route et toutes les infrastructures de la station. Certains réussiront à s’échapper, d’autres y perdront la vie. « Une route splendide grimpe en lacets le long des contreforts du massif de l’Eléphant pendant 28km, serpente en pleine foret vierge, pour finalement aboutir à un plateau d’où la vue s’étend sur le Golfe du Siam ».


L’arrière du Bockor Palace

L’Administration locale subventionne alors massivement toutes les activités liées au tourisme et l’Hotel-Palace du Bokor ne fait pas exception. Le site est choisi pour sa beauté naturelle, et du haut du « nid d’aigle » à 1080 mitres d’altitude, la vue, spectaculaire, donne sur les îles du golfe du Siam dont l’île de Phu Quoc.. Le nom Bokor signifie en Kmer « la bosse du buffle ».


Le Bockot Palace en 1925, avec le drapeau tricolore..

Inauguré en 1925, le Palace compte 18 chambres. L’hôtel dispose du chauffage électrique, équipement exceptionnel pour l’époque. A l’époque, on y reste pour des séjours prolongés, parfois un mois complet. A proximité, un bureau de Poste et une petite église. Quelques chalets et villas occupent le plateau. La station est ouverte 6 mois par an, de novembre à mai. Le site est admirable pour les promenades. Outre la marche, on peut y pratiquer le cyclisme et l’équitation. Les cascades ne manquent pas et l’eau de la source Marie Magdeleine est excellente, Le long des chemins, on trouve des orchidées, des « sabots de Venus » et des « Népenthes » (plante carnivore). Coté faune, des cerfs et chevreuils en grand nombre, des gibbons, des écureuils rouges, des troupeaux d’éléphants sauvages et même parfois, le tigre…

Néanmoins l’arrogance du luxe à Bokor provoque l’ire de quelques journalistes. Pourquoi le budget local servirait-il à faire plaisir à quelques riches fonctionnaires, planteurs et touristes alors que 9/10 des villages du Cambodge ne possèdent pas d’écoles…

Le site lui-même est critiqué. Trop pluvieux (plus de 200 jours de pluie par an..), toujours dans les nuages et surtout trop exposé au vent…

La station n’aura pas le succès de Dalat, qui était prévue pour devenir la capitale de l’Indochine par l’Amiral Decoux, au pouvoir pendant la 2e guerre mondiale. La station de Bokor est abandonnée par les Français en 1940, puis sera occupée par les Khmers Rouge à partir de 1972. Il sera très difficile de les déloger.

Depuis quelques années, le gouvernement cambodgien a décidé de relancer cette station. Casino, hôtels, golf sont prévus et c’est un immense chantier qui a démarré. Le plus dur sera peut être d’accéder en haut de la station par la route, les asiatiques étant très sensibles au mal de cœur ! Après 32 km de grimpette, dans quel état vont arriver nos joueurs de casino ?

Sources principales : L’Eveil Economique de l’Indochine, Le Bokor et la cote d’Opale (1925) disponible sur Gallica

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