Le confucianisme (partie 2)

Enseignées par les lettrés dans les villages, les études confucéennes visaient moins à acquérir des connaissances qu’à inculquer une morale, à donner des règles de vie, des principes de conduite. Dès le premier jour de classe, des gosses de six ans récitaient « Dès sa naissance, l’homme est bon par nature…Le jade non travaillé n’a aucune valeur.. L’homme qui n’étudie pas, ne connait pas le principe des choses… »
Pendant des années, l’enfant, puis le jeune homme, puis l’homme mûr récitait, commentait des sentences, des textes classiques, pour savoir comment honorer ses parents, se conduire envers ses frères et sœurs, comment servir son roi, comment se comporter en toutes circonstances dans la vie. L’histoire était très étudiée, non pour connaître le déroulement des événements ou le développement des sociétés, mais pour y puiser des exemples de comportement. Peu importait que ce fût l’histoire chinoise, et non l’histoire vietnamienne: bien plus riche, l’histoire de Chine fournissait une matière beaucoup plus volumineuse pour donner des exemples d’attitudes, de comportement des personnages et éclairer la doctrine morale du Maître.

Confucius avait été parmi les premiers penseurs de l’humanité à centrer toute l’attention des hommes sur des problèmes purement humains. Il avait été le premier humaniste, au sens plein du mot.

S’il fallait en définir les composantes essentielles, on pourrait les réduire à quatre :
– la tolérance envers autrui (ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît à toi-même),
– le savoir qui permet d’adopter une attitude juste dans toutes les circonstances de la vie,
– le courage pour remplir ses obligations,
– la bonne tenue selon les rites

L’homme confucéen est donc quelqu’un qui a fait beaucoup d’études, mais son instruction est relativement bornée, car il ne s’intéresse qu’aux « sciences humaines » et reste complètement indifférent à tout ce qui concerne la nature. Il est profondément moral, imbu de principes auxquels il croit sincèrement. Il ne peut concevoir que l’homme puisse se dérober à ses obligations sociales. Il est cérémonieux, respectueux des conventions sociales, ne tolère aucun laisser-aller dans ses gestes, ses paroles, son habillement.

Le confucianisme était en réalité plus que conservateur, il se tournait résolument vers le passé. Même la piété filiale doit être considérée du point de vue du maintien de l’ordre social. La piété filiale devient une chaîne bridant toute initiative. Quand les parents sont en vie, il est interdit aux enfants de voyager. Honorer ses parents, c’est surtout faire comme eux, vivre comme eux, ne rien changer aux habitudes de vie et de pensée.

Pour l’instruction, il s’agissait avant tout d’apprendre par cœur des textes, de savoir les commenter dans l’esprit de la plus complète orthodoxie. Il ne fallait pas changer une seule virgule aux textes « sacrés ».

Mais une question d’importance n’avait pas été tranchée directement par Confucius. D’où venait le pouvoir ? Quelle était la justification, l’origine de toutes ces règles, ces rites, ces principes à suivre ? Le ciel ou le peuple ? Ce n’était pas qu’un débat idéologique mais un combat séculaire. Les paysans sans terre réclamaient plus d’équité, moins de corvée, l’abaissement des fermages. Les idéologues de la monarchie absolue considéraient que le roi recevait un mandat du ciel pour gouverner en son nom. Le pouvoir était donc céleste. Les mandarins suivaient bien entendu cette dernière ligne et finissaient par abuser de leurs prérogatives.

Restaient les lettrés des villages qui vivaient près du peuple. Ils étaient les maitres à penser des villages, dispensant leurs conseils au quotidien. L’ordre moral dépendait de cette vaste confrérie de lettrés que chaque concours rassemblait par milliers dans les centres administratifs du pays. Les mêmes livres et les mêmes maîtres avaient formé les mandarins et les lettrés, mais pendant que les uns s’enfermaient derrière les murs des résidences mandarinales, les autres continuaient à vivre au milieu du peuple, parmi les paysans des villages.

Les lettrés communiaient dans la même vénération de l’Empereur que les mandarins dans les périodes de prospérité. Mais advienne une inondation catastrophique, une sécheresse prolongée, le règne d’un roi débauché, les paysans pauvres exaspérés se révoltaient. Et des lettrés de village prenaient alors la tête du mouvement, se réclamant du moralisme confucéens pour essayer de renverser la monarchie régnante

Ce mouvement d’oscillation dura jusqu’à l’arrivée des français.

(à suivre)

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