Le peintre Mai Thu

Faut-il encore présenter Mai Thu ? Pour les gens de ma génération, il s’est fait connaitre en occident à travers les illustrations des cartes de vœux de l’Unicef, très en vogue avant l’arrivée d’internet. Les enfants aux traits simplifiés mais aux couleurs vives ont eu un immense succès.


Portrait d’une princesse royale présenté lors de l’expo de Macon

Mais Mai Thu, ce ne sont pas que des décors de cartes de vœux ou autres puzzles ! C’est un artiste aux talents multiples auquel l’exposition organisée en 2021 à Chalon sur Saône a rendu un immense honneur.
A défaut d’avoir pu voir l’exposition, je me suis rabattu sur le très beau livre édité à cette occasion. Un bel hommage pour cet artiste vietnamien mort en 1986.


L’un des tableaux exposés à Macon (source: livre de l’expo)

Rappelons que Mai Thu est né en 1906 près de Haiphong. Il est le fils du vice-roi de Bach Ninh, dans un milieu aisé donc. Il fait parti de la 1ere promotion de l’Ecole des Beaux Arts de l’Indochine à Hanoi, 6 élèves seulement. Cette école, voulue par Nan Son, va révolutionner l’art au Vietnam. Sous l’impulsion de Victor Tardieu, son fondateur et directeur, et d’artistes venus de France, l’enseignement vise à susciter un art aux techniques certes modernes mais puisant toute son inspiration dans le pays même. La peinture sur soie, le laquage sont ainsi revisités, les sujets ne sont plus uniquement religieux ou cultuelles. Mai Thu sort diplômé de l’école en 1930, au coté d’artistes devenus depuis célèbres comment Le Pho ou Nguyen Phan Chanh.

Les débouchés artistiques sont inexistants dans l’Indochine de cette époque. Les maisons traditionnelles des notables ne se prêtent guère aux peintures « modernes ». Mai Thu est donc nommé comme professeur de dessin au lycée Khai Dinh à Hué (futur lycée Quoc Hoc) ou il restera 6 ans.


Mai Thu à Hué, devant le pont Kho, peu avant son départ pour la France

Sur place, il en profite aussi pour approfondir ses dons de musicien notamment dans la pratique d’un instrument monocorde traditionnel. Il dessine aussi pour des revues de mode et participe à des concours de timbres postaux. Si son poste de professeur lui permet de vivre, il continue de peindre et d’exposer lors d’expositions organisées par son ancienne école, au Vietnam, au Japon et en Europe. En 1932, il expose notamment à la Résidence Supérieure de Hué au coté de peintres français comme Louis Rollet. Au cours de cette exposition, il vendra une toile à l’empereur Bao Dai. A la différence des peintres voyageurs français, qui privilégient les paysages, les artistes vietnamiens font de nombreux portraits, en sublimant notamment la beauté des femmes locales.


Mai Thu en train de peindre au tombeau de Tu Duc, à Hué (source: livre de l’expo)

En 1937, Mai Thu part pour la France, officiellement pour participer à l’exposition des arts décoratifs de Paris. Sans doute aussi pour rejoindre ce pays dont on lui dresse un portrait idyllique..C’est aussi pour fuir un mariage arrangé par ses parents ! Il part avec Le Pho et Vu Cao Dam qui, eux, connaissent déjà la France. Tous les 3 savent que la France leur offrira des débouchés que l’Indochine traditionnelle est incapable de leur fournir.

Les 3 artistes s’installent à Paris et participent aux salons des indépendants. Mai Thu s’engage dans l’armée française au début de la guerre. Il sera démobilisé en 1941 à Macon ou la bourgeoisie locale ne tarde pas à le remarquer et à lui commander des portraits.

De retour à Paris, il rompt avec la peinture à l’huile pour se consacrer entièrement à la peinture sur soie, afin d’affirmer ses origines et se distinguer des peintres français. La technique de la peinture sur soie nécessite une grande maitrise, car aucun repentir n’est possible. Il s’adapte aux contraintes occidentales en encadrant ses œuvres au lieu de les rouler comme en Asie.

Il expose fréquemment dans des galeries et il en vit confortablement. Dans les années 60, il multiplie les toiles dont des petits formats, accessibles à toutes les bourses. Les femmes vietnamiennes en « ao dai » lui assurent un grand succès tout comme les scènes de jeux, les enfants, la tendresse maternelle.
Il va progressivement simplifie les silhouettes, quittant ainsi le réalisme, en introduisant des couleurs plus vives. Son art est subtil, ses compositions sont totalement maitrisées.. « Ses enfants » repris par l’Unicef le feront connaitre mondialement. Perfectionniste, il attache aussi beaucoup d’importance aux cadres qu’il réalise lui-même.

Il évoque aussi fréquemment la souffrance du peuple vietnamien dans ses œuvres, en écho à une guerre sans fin.

Il meurt en 1980 à Clichy et il est enterré au cimetière de Vanves. Tombé dans l’oubli après sa mort, Mai-Thu, à l’instar d’autres artistes formés à l’Ecole des beaux-arts d’Hanoï, a retrouvé un succès grandissant dans les salles de ventes, en Europe ou à Hong Kong. Ses toiles sont aussi abonnement copiées. Mai Thu revient aussi en grâce auprès des autorités vietnamiennes, à juste titre car il a toujours défendu la paix dans son pays natal. Une rue porte son nom à Haiphong.

A voir:
– site internet http://www.mai-thu.fr/, par la fille de Mai Thu,
– les principales toiles présentées lors de l’expo de Macon en 2021, https://www.parisladouce.com/2021/07/expo-mai-thu-1906-1980-echo-dun-vietnam.html
– livre « Mai Thu, echo d’un Vietnam rêvé », lié a l’exposition de Macon
– article paru en 1932 sur l’exposition de Hué
1932_10_01_ExpopeintureHueRolletMaiThu.pdf

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