L’hôtel Morin de Hué a la bonne habitude d’afficher des photos d’autrefois.. L’une d’entre elles représente un meeting aérien tenu à Hué en 1913 avec la mention « Marc Pourpe ». Il ne m’en fallait pas plus pour me lancer dans quelques recherches…
La photo du meeting aérien à Hué. Source: Association des Amis du Vieux Hué
Marc Pourpe fait parti de ces héros des temps modernes dont la vie mérite d’être retracée…
Il avait a peine 26 ans lorsqu’il est venu à Hué à la demande du roi Duy Thanh, âgé de 13 ans, pour faire un meeting aérien. Le roi lui même est passionné par la vitesse. Il possède une automobile, dont le nombre, à cette époque à Hué, se compte sur les doigts d’une main.. Alors l’aviation ! On peut imaginer l’agitation et la fascination de la cours royale et de toute la population de Hué, amassée sur la tour du drapeau, pour acclamer Marc Pourpe et son Blériot. L’avion survola par 2 fois la citadelle. Marc Pourpe terminait ainsi en apothéose une tournée mémorable en Indochine..
Marc Pourpe et Raoul Lufbery à Hué. Les poings sur les hanches, Lufbery regarde, amusé, les groupes de mandarins, ministre de la Guerre, de l’Agriculture,etc.. qui assistent au départ (source Revue Je Sais Tout)
Mais revenons sur ses débuts. Marc Pourpre est né d’une mère excentrique (Liane de Pougy, future danseuse aux Folies Bergères) et d’un père, officier de marine, nommé peu après à Suez. Marc Pourpe ira étudier en Angleterre puis partira ensuite à Suez. De quoi maitriser l’anglais et aimer les voyages. Fort de ces atouts, il part comme mécanicien pour l’Australie avec un pilote anglais. Le pilote fait un beau mariage et lui offre son avion, un Wright ! Le rêve de Marc Pourpe devient réalité: il peut enfin piloter ! Peu après, il revient à Nice pour se perfectionner. En 1911, il traverse la Manche aller et retour, dans sa plus grand largeur.
Carte postale de la traversée de la Manche par M Pourpe (source internet)
Il multiplie les meetings aériens dans le nord de la France et acquiert une certaine notoriété. Ayant vécu à Suez, il pense aux colonies. En 1912, il s’embarque alors pour l’Inde puis l’Indochine avec les frères Verminck. Chacun effectue des trajets jamais entrepris jusqu’à la: Saigon- Cap Saint Jacques pour Pourpre et Saigon Pnom Penh pour les Verminck. Hélas, le 7 avril 1913, Geo Verminck se tue en vol lors d’un meeting à MyTho..
Marc Pourpe à Lang Son (source: revue Air France)
Marc Pourpre fait alors la connaissance à Saigon de Lufbery, qui deviendra d’abord son mécanicien puis son meilleur ami. Ils ne se quitteront plus.
A l’invitation du gouverneur général, ils partent au Tonkin pour d’autres raids et meetings. Si la Cochinchine est plate, le Tonkin est autrement plus périlleux. La moindre panne moteur ou avarie est fatale. Les turbulences tropicales s’en mêlent aussi. Son avion se retournera dans une rizière. Mais la chance est avec Pourpre et son avion Blériot tiendra. Ils effectueront de nombreux raids au départ de Hanoï, vers Nam Dinh, Haiphong et surtout Lang son, le plus risqué.
Lors d’une première tentative pour rallier Langson, l’avion de Marc Poupre connait une panne moteur et se retourne dans une rizière. Heureusement sans gravité, ni pour le pilote, ni pour l’avion. (source: La vie au grand air)
Ils finiront leur tournée à hué avant de repartir en bateau en France pour se reposer. En Indochine, Marc Pourpe aura volé 160 heures, soit environ 16000 km.
Marc Pourpe en Indochine (source: revue Air France)
Marc Pourpe n’aura eu de cesse aussi de faire la promotion de l’aviation dans les colonies. Notamment pour le maintien de l’ordre et la poursuite des « rebelles ». La suite de l’histoire montrera avec quels succès ses idées seront utilisées…
Le voyage en Indochine laissera aussi quelques souvenirs croustillants. C’est ainsi qu’un certain jour, des vietnamiens s’avisent de fabriquer eux aussi une machine volante. Ils construisent aussitôt avec du bambou et du tissu de papier un appareil qui semble, à leurs yeux, beaucoup plus joli que l’aéroplane de Pourpe. Restait à le pourvoir d’un moteur: les locaux imaginent d’y enfermer un essaim d’abeilles. Et, à la vérité, la fureur des bestioles prisonnières fit un tel vacarme qu’on aurait pu croire au bourdonnement d’un vrai moteur. Mais, à la stupéfaction de la plupart des assistants, l’engin se refusa systématiquement de prendre son essor et s’obstina dans la plus déconcertante immobilité.
L’histoire du duo Pourpe / Lufbery ne s’arrête pas la. Ils s’embarquent peu après pour l’Egypte ou ils effectuent avec succès le raid Le Caire vers Karthoum, 4500 km en 6 étapes, à bord d’un Morane Saulnier, un avion plus moderne que le Blériot.
En « une » de la revue aéronautique « La vie au grand air » paru en 1914
Mais la guerre éclate, et Marc Pourpe revient en France pour s’engager comme aviateur. Lufbery, lui, est américain. Il doit s’engager dans la Légion Étrangère. Il passe brillamment à Saint Cyr un examen de mécanicien. Il rejoint ensuite Marc Pourpe.
Hélas, lors d’un vol de reconnaissance, Marc Pourpe se tue le 2 décembre 1914 près de Villiers Bretonneux dans la Somme. La mort inexplicable, atroce, de Pourpe devait séparer les deux amis. Mais Lufbéry n’était point de ceux qu’anéantit le désespoir. Il décide lui aussi de devenir pilote pour venger son ami. Sa demande est accepté par l’Etat Major. Apres une formation, il rejoint le front de Champagne en septembre 1916. Sa vie, depuis lors, n’est plus qu’un combat, qu’une bataille aux cent exploits. Il fait parti de la fameuse escadrille La Fayette et totalisera 17 victoires homologuées contre l’ennemi, faisant ainsi parti du club des As de la 1ere guerre mondiale. Le 19 mai 1918, il trouve la mort sur la commune de Maron en Meurthe-et-Moselle sautant en plein ciel de son avion en flammes, sans parachute. Il est inhumé avec ses compagnons de l’escadrille La Fayette, au Mémorial de l’Escadrille La Fayette à Marnes-la-Coquette en banlieue parisienne.
Raoul Dufbery avec les lionceaux de l’escadrille La Fayette
Ainsi se sont éteints 2 figures de l’aviation qui se sont battus pour la France. Ne les oublions pas.
Autres documents et sources:
– L’article de la revue La Vie au Grand Air, 13 Septembre 1913, source Gallica,
– revue Je sais Tout, 15 janvier 1918, Gallica
– article La Guerre Aérienne Illustrée, Gallica