A chaque fois que je vois ce process, je suis comme un enfant ! Comment les couleurs liquides peuvent, une fois posées, rester indépendantes les unes aux autres ? Un mystère qui, pour moi, s’apparente à chaque fois à un petit miracle !
J’avais déjà écrit un article sur ces carreaux en 2015 (1), mais cette fois ci, nous sommes allés plus loin dans la démarche : nous avons créé nos propres modèles ! Venant d’acheter une maison, nous avons décidé de refaire le carrelage avec nos propres dessins et couleurs..
Vietnam oblige, rien de plus simple ici ! J’ai fourni un dessin très précis et les experts de l’atelier ont fait en quelques heures un moule. Tests, corrections, affinage des bords, le tout n’aura pris que quelques jours. La complexité du dessin ne semble pas leur faire peur.
Le choix des couleurs est plus difficile car la palette n’est pas complète. Les pigments disponibles sont réduits. Il y a de jolis verts, du carmin, des couleurs crèmes, abricot. Mais pas de couleurs vives, ni de jaunes ou de rouges. On doit donc faire preuve de créativité pour trouver harmonie et modernisme.
Une fois les tests concluants, on se lance dans la production. Les quantités donnent le tournis: 25 carreaux pour 1 mètre carré ! Il faut environ 3 minutes pour réaliser un carreau (voir la vidéo), plusieurs jours pour le séchage. Rappelons qu’il n’y a aucune cuisson, les carreaux sont mis en forme avec une presse hydraulique.
Il reste de nombreux ateliers de ce type au Vietnam, même si l’activité semble en déclin, les vietnamiens n’aimant que le clinquant. Le poids (1,2 kilos par carreau) favorise les ateliers de proximité. A Hué, on retrouve ces carreaux dans les restaurants branchés ou dans les hôtels de prestige. On les retrouve aussi dans la citadelle avec la reconstruction récente du palais Kien Trung. Avec une surface au sol de 600m2 sur 2 niveaux, j’ai calculé qu’il a fallu 30.000 carreaux, soit 1500 heures de travail !
Les carreaux en ciment ont été créés par les Français dans les années 1850. Introduits en Indochine, ils furent finalement fabriqués sur place. A Hué, la cimenterie Long Tho de monsieur Bogeart en faisait. Ce dernier a présenté de nombreux modèles lors de l’exposition de Marseille de 1906. Sur Gallica, on trouve le catalogue de la société des Tuileries de l’Indochine de 1928 (2). On retrouve encore les carreaux d’origine dans un excellent état dans les vieilles maisons d’exceptions. Des carreaux plus classiques se sont ensuite diffusés dans toutes les maisons vietnamiennes jusqu’à l’arrivée des carrelages industriels, il y a une trentaine d’années. L’atelier de Hué fournit les maisons locales depuis des générations.
Jolie couleur pour ces carreaux
Les couts de fabrications restent dérisoires ici. Cela depend bien sur de la complexité du dessin et du nombre de couleurs, mais il est rare de dépasser une centaine d’euros pour le moule et 1 euro par carreau fabriqué… Cerise sur le gateau, vous resterez propriétaire du moule!
Si vous passez par Hué, je peux vous faire visiter l’atelier. En tant que dessinateur, je peux aussi créer vos modèles et m’occuper du suivi de votre production.
(1): https://blogparishue.fr/carrelage-un-festival-de-couleurs-et-de-formes/
(2) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8553564?rk=21459;2#