Catégorie «Indochine»

Saigon, éternelle Saigon…

Voici une photo prise dans les années 30 à Saigon.. On y distingue clairement le fameux marché Ben Thanh (« débarcadere », ainsi appelé car il existait un canal pour y mener, par la suite comblé car pourvoyeur de moustiques..). On y voit aussi l’ancienne gare pour les trains allant à Cholon et la gare des tramways (actuelle gare des bus), le bâtiment du siège des Chemins de Fer, toujours existant à l’angle du boulevard de la Somme…

Cette photo a été trouvée sur Facebook. D’une manière générale, les vietnamiens, y compris les jeunes, adorent l’architecture des maisons construites du temps de la présence française. Ils admirent aussi les plans d’urbanisme de l’époque, grâce auxquels les villes étaient bien agencées et agréables à vivre..Tout au moins les centres villes, car la périphérie n’était que paillotes, à de rares exceptions près..

Au Vietnam, il existe de nombreux sites internet et blog dédiés à l’histoire, ce qui atteste d’un véritable intérêt pour « la vie d’autrefois ». Les photos anciennes y tiennent une place centrale.

Lieu de mémoire: le pont du 17eme parallele

En 1954, après la défaite de Dien Bien Phu, les Accords de Genève valident la partition du Vietnam et font de la rivière Ben Hai la zone de séparation entre le Vietnam de Ho Chi Minh au nord et le Vietnam du Sud présidé par Bao Dai. Ils prévoient le retrait des troupes françaises. L’accord ne sera signé ni par le Sud Vietnam ni par les Américains.
L’Accord précise toutefois que “La ligne de démarcation ne peut être que provisoire et ne constitue en aucun cas une frontière politique ou territoriale”. Dans un délai de 2 ans, un référendum devait être tenu dans tout le pays pour une réunification du pays. Entre temps, Diem arrive au pouvoir dans le sud avec le soutien des américains. Le référendum envisagé ne sera jamais réalisé, Diem craignant l’absence de liberté de vote au nord et une victoire des partisans de Ho Chi Minh.. ainsi cette ligne de démarcation perdurera pendant 20 ans, jusqu’à la victoire finale de 1975.


Pont construit par les français en 1950 le long de la nationale 1, l’ancienne route mandarine

Sur le porche, le slogan :  » un Vietnam en paix, unifié, indépendant, appartenant au peuple et prospère »


Le pont est long de 178 mètres, chaque moitie sous la responsabilité du nord et du sud.


Photo de 1961 présentée dans le petit musée attenant au pont.


« Vive les accords de Genève », fresque murale autour de la base du drapeau

Les Grands Magasins Charner de Saigon, c’est fini !

C’est un nouveau symbole de la période coloniale qui disparaît de Saigon… Le bâtiment des Grands Magasins Charner est fermé depuis fin septembre et va bientôt être détruit. Il laissera place à une tour de 43 étages qui prendra sa place parmi d’autres au sein du triangle d’or de la ville.


photo internet

Le début du chantier s’intègre dans les travaux gigantesques du centre ville pour le chantier des 20km du nouveau métro, premier du genre au Vietnam. Actuellement, et pour au moins 2 ans, tout l’hyper centre ville est fermé. Touristes, passez votre chemin pour le moment !


le chantier du métro et le « tax center » en novembre 2014 (photo internet)

Le bâtiment des Grands Magasins Charner a été construit entre 1922 et 1924 le long du boulevard Charner, d’ou son nom. C’était, si on en croit les pubs de l’époque, « le plus grand choix de l’Indochine ». Son style est à la fois français et asiatique. On y installe une grande horloge tout en haut de l’édifice.


Pub de 1927

En octobre 1925, on choisit ce bâtiment pour y loger la sirène qui annonce l’arrivée des courriers de France, ces paquebots qui mettaient 28 jours pour rallier la Cochinchine au départ de Marseille.

Le GMC vue du ciel, années 30

En 1942, on y démonte l’horloge pour y construire un nouveau niveau.

Dans les années 60, les espaces du magasin sont loués à des commerçants individuels. Les américains y achètent toutes sortes de marchandises importées. Après la réunification, le bâtiment sert de showroom de machines outils puis retrouvent sa fonction commerciale en 1981. Dans les années 90, on l’appelle le « marche russe » car de nombreux produits viennent de Russie.. puis on l’appellera le « tax center » du fait de sa proximité avec le bâtiment du Trésor. Modernisé en 2003, sa carrière s’achève en 2014., soit 90 ans après son inauguration..


Le bel escalier central

La dernière restauration a sauvegardé l’escalier central, magnifique œuvre riche en fer forgé et carreaux de céramique.. les coq gaulois continuaient de trôner fièrement sur les rampes d’escalier… Espérons que ce patrimoine soit sauvegardé !

Le coq gaulois et sa fière allure !


La rambarde de l’escalier, vue du 1er étage


L’emblème des GMC (à l’envers) et la céramique

Pour en savoir plus sur l’histoire des GMC, lire l’article en anglais sur http://www.historicvietnam.com/saigon-tax-trade-centre/

35 millions de dollars !

C’est le prix de vente d’une demeure construite à l’époque coloniale à Saigon… Située entre 3 rues différentes (Vo Van Tam, Ba Huyen Thanh Quan et Nguyen Thi Dieu), son entrée principale est au 110-112 de la rue Vo Van Tan, anciennement rue Testard.


(Photo internet)

Simple consolation, cette proprietee de 2800m2 a été mise en vente à l’origine à 40 millions de dollars… L’immobilier est cher au Vietnam, et pas seulement à Saigon…


Vue de la villa principale du devant

Cette maison, tous les saigonnais la connaissent, car c’est une architecture atypique, pas vraiment française comme les autres villas coloniales… un gout « douteux » diront certains… l’architecte était vietnamien, tout comme son client, un riche commerçant.
Au vue de certaines pièces de ferronnerie, la villa semble avoir été construite dans les années 20..


Vue de l’entrée principale {photo internet).. l’intérieur est, d’après ceux qui l’ont visitée, riche en meubles anciens

La propriété est restée dans la famille depuis l’origine et deux vieilles dames y habitent.. Une grande partie de la famille vit a l’étranger et on dit que les discussions ont été longues pour mettre cette maison en vente. Le souhait d’une partie de la famille était de vendre la propriété mais d’en maintenir les bâtiments. On dit que le consul de France de Saigon, l’un des rares à avoir eu la chance de visiter l’intérieur, s’est pris d’intéret pour cette demeure et a cherché des partenariats pour conserver l’ensemble et l’ouvrir au public. Mais à ce prix la, il est maintenant difficile d’imaginer autre chose qu’une démolition pour construire un grand ensemble..


Vue depuis la rue Ba Huyen ThanQuan


Porte d’entrée principale

Deux objets du roi Thanh Thai bientot de retour à Hué

S’est déroulée le 13 juin dernier en France une vente aux enchères qui renvoie directement a l’histoire de la dynastie Nguyen. Thanh Thai, dixième roi de la dynastie depuis 1889 a un caractère un peu fantasque et un manque de diplomatie. Cela agace passablement le gouverneur local de l’Annam qui finit par obtenir son abdication.. la raison officielle est de fréquentes crises de folie dont sont victimes ses concubines… Pendant quelques mois, et avant de rejoindre la maison blanche du Cap Saint Jacques (Vung Tau) il est cloîtré dans une zone de la cité interdite de Hué sous la protection de la garde indigène, dirigée par Prosper Jourdan, un officier français. Celui ci sympathise avec l’empereur déchu. Épris de modernité, Thanh Thai s’est fait confisqué sa voiture par les français. Il le regrette beaucoup et espere pouvoir s’en acheter une autre. Ainsi, à la veille de son départ vers le sud, Thanh Thai vendra à Prosper Jourdan son lit de camp et le pousse-pousse de l’impératrice douairière. En guise d’amitié, il lui offre un sabre de grande valeur.


Le lit de camp de l’empereur Thai Thai, riche en symboles annamites et fait en bois de fer. Thanh Thai a eu 19 garçons et 26 filles.. ce lit a du donc voir passer de nombreuses concubines..


Pousse pousse acquis par Thanh Thai pour les promenades de sa mère dans la citadelle.


Magnifique travail de marqueterie


La lit a atteint la somme de 100.000 euros (hors frais) et le pousse pousse 45.000 euros (hors frais). Celui ci a été acquis par les monuments historiques de Hué, le lit ayant été acquis par un descendant de Thanh Thai. Les deux objets devraient bientôt rejoindre Hue….


Prosper Jourdan, le roi Thanh Thai et son frère durant la période d’isolement du roi à Hué

Lire aussi le dossier complet sur ces 2 objets sur http://carnetdephilippe.canalblog.com/archives/2014/05/25/29944319.html

La bataille des frontières: la revanche des missionnaires…

Le conflit entre la Chine et le Vietnam (et plusieurs autres pays asiatiques) s’est amplifié depuis plusieurs mois au sujet de la possession des archipels des Paracels et Spratleys au large du Vietnam. Jusqu’à une période récente, le gouvernement Vietnamien a utilisé des moyens symboliques pour affirmer l’appartenance des ces archipels au pays.. ce fut d’abord l’interdiction absolue d’utiliser le vocable « Mer de Chine » pour qualifier ce qui est devenu « la mer de l’Est ». Ainsi tous les livres de géographie ont systématiquement été corrigés et réimprimés pour prendre en compte cette nouvelle donne.. Plus étonnant encore, c’est la campagne d’affichage dans toutes les gares du pays des cartes anciennes dessinées par les missionnaires catholiques.


Les cartes anciennes mises en scènes dans les gares, ici à la gare de Nha Trang

Ces cartes « prouvent » que ces îles ont toujours appartenu au Vietnam. Ainsi cette carte établie par l’évêque Jean Louis Taberd en 1838. A cette époque, la persécution redouble en terre d’Annam et le roi Minh Mang a donné ordre de condamner à mort tous les missionnaires et ceux qui les ont aidés.. l’édit de persécutions de 1836 précise: « Les missionnaires se servent d’un pain enchanté pour ensorceler les gens et les forcer à rester chrétiens. Ils emploient les yeux des morts avec de l’encens pour faire des médecines… ». De fait, Jean Louis Taberd a du fuir la Cochinchine dès 1833 pour se réfugier au Siam puis en Malaisie où il éditera un dictionnaire latino annamite et cette fameuse carte que les autorités vietnamiennes sont à présent bien contentes de posséder.. Belle reconnaissance après 175 ans..


La carte dessinée par le missionnaire des Missions Étrangères de Paris en 1838