Lorsque le peintre Victor Tardieu arrive en Indochine en 1921, il pensait n’y rester que quelques mois… il y restera finalement 17 ans et contribuera grandement à la renaissance de l’art vietnamien.
En France, Victor Tardieu a commencé par des cartons de vitraux et obtenu des prix pour des tableaux de grands formats et des fresques. En 1920, à 50 ans, il gagne le prix de l’Indochine, ce qui lui permet de voyager gratuitement et d’obtenir un logement sur place. Il part sans femme et enfants et découvre un pays qui va le fasciner. Dès son arrivée, on lui confie la réalisation de la fresque du grand amphithéâtre de l’université indochinoise de Hanoi, alors en construction. Une fresque de 77 m2 qu’il mettra 6 ans à achever.. Une fresque intitulée « La Métropole » où se mélangent sans ordre plus de 200 personnages, coloniaux et vietnamiens.
Victor Tardieu devant sa toile (source: livre « Paris Hanoi Saigon »)
Pour réaliser son œuvre, Victor Tardieu a besoin de « modèles ».Mais cela n’existe pas en Indochine. Son ami Nguyen Nam Son lui propose de poser pour lui et de revêtir diverses tenues. De cette collaboration va naitre une réelle amitié. Nam Son, excellent dessinateur, admire la technique occidentale de la peinture à l’huile. Il se met à rêver de faire profiter de cet art à ses compatriotes. De cette idée germe le projet d’une école des beaux arts. Victor Tardieu n’a pas prévu de s’éterniser en Indochine mais, petit a petit, se laisse convaincre et fait jouer ses relations auprès de l’administration française. L’école des beaux arts de l’Indochine est officiellement lancée en octobre 1924. Une “mission Tardieu » est créé et des professeurs sont recrutés en France. L’école démarre réellement un an plus tard et connaitra un grand succès. Des artistes vietnamiens comme Le Pho, Le Thi Luu, Mai Trung Thu, To Ngoc Van, Phan Chanh, Vu Cao Dam, Nguyen Gia Tri et, bien sur, Nam Son, deviendront célèbres. L’école aura transmis de solides bases artistiques à ces artistes qui réussiront à magnifier le meilleur des deux cultures.
Travail préparatoire de son oeuvre (source internet)
Autre travail préparatoire (source internet)
En 1929, a lieu l’inauguration de l’université et de la fresque. « L’éveil économique de l’Indochine» décrit l’œuvre : « Le tableau représente le port de Haïphong avec à gauche le Paul Lecat (…) et quelques navires aux docks, à droite la cimenterie et un grand « building » en construction. Au milieu une prairie, verte et fleurie, avec dans l’axe un grand arbre, sans doute l’arbre de la science du bien et du mal,en tout cas un fromager, (…),devant lequel s’élève un portique dans le style annamite, avec la Science s’élevant comme une fumée devant la porte (…). Quelques étudiants regardent cette ombre avec admiration. A droite et à gauche, s’offrant aux regards du public, les ex-hautes personnalités de l’Indochine : Dr Cognac, M.Albert Sarraut, M. Baudoin, l’auvergnat Varenne,et quelques mandarins. Au premier plan des personnages français et indigènes accomplissent les gestes des diverses fonctions auxquelles l’Université prépare la jeunesse : vétérinaires soignant un boeuf, chimistes faisant une analyse, médecins auscultant, vaccinant et piquant, magistrats ergotant, avocats bavardant, inspecteurs de l’agriculture montrant aux paysans l’usagé de charrues modernes etc.»
Pour accéder a l’œuvre, on passe sous une coupole impressionnante haute de 23 mètres.
Le changement de régime n’est guère propice à une allégorie à la puissance coloniale. Elle est recouverte d’un badigeon blanc. L’œuvre est perdue pour toujours. Le temps aidant, les autorités de Hanoi décident finalement d’en refaire une copie, au même endroit. C’est le peintre Hoang Hung qui est chargé de l’exécution en 2006. Il n’a que quelques mois pour s’exécuter et, bien sur, la peinture n’a pas la finesse de l’originale.
L’accès n’est pas public, mais avec un peu de chance, on peut y accéder… L’université est au 19, rue Lê Thanh Tông.
Victor Tardieu est mort en Indochine en 1937. Si sa fresque est tombée un peu dans l’oubli, son école fut une immense réussite.
Principales sources :
– L’Eveil économique de l’Indochine, plusieurs numéros des années 20,
– Arts du Vietnam, édition du musée royal de Mariemont,
– Paris Hanoi Saigon, l’Aventure de l’Art Moderne au Vietnam