Article paru dans Le Monde le 10 juin dernier
« Le chiffre a dû en faire grimacer plus d’un. Rien qu’au premier trimestre, la fière machine économique vietnamienne, dont la croissance a dépassé les 8 %, a été perturbée par 300 grèves. Une mobilisation en hausse de 52 % par rapport à la même période de 2007. Les salariés, touchés comme tout un chacun par la flambée des matières premières agricoles et énergétiques, réclament des hausses de salaires. En avril, plus de 20 000 travailleurs ont ainsi bloqué une usine de sous-traitance de Nike, propriété d’un Taïwanais, où sont fabriquées les chaussures de la marque de sport. Après une semaine, la direction a décidé de concéder une augmentation de 10 % afin que le travail reprenne. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour des employés de Panasonic Communications Vietnam de manifester leur mécontentement, exigeant une hausse salariale de 25 %…
Tout cela n’a rien de très rassurant pour les investisseurs étrangers qui voient, depuis plusieurs années, le pays communiste comme une alternative avantageuse à la Chine, dont les attraits se terniraient un peu. Selon une étude du cabinet Booz Allen Hamilton et de la chambre de commerce américaine de Shanghaï, 54 % des entreprises étrangères présentes en Chine estiment que l’empire du Milieu « est en train de perdre sa compétitivité par rapport aux autres pays à faible coût ». Parmi les raisons à l’origine de ce désamour, 52 % des industriels interrogés avancent la question de l’inflation salariale provoquée par les hausses de rémunération accordées aux ouvriers et aux cadres qu’il faut réussir à fidéliser. Du coup, selon le bon principe que l’herbe est toujours plus verte ailleurs, 63 % des interviewés regardent le Vietnam avec insistance, le considérant comme « la première alternative à la Chine », suivie de l’Inde (37 %).
Est-ce toujours le cas ? Pour le moment, oui. Le 26 mai, le ministère du plan et de l’investissement d’Hanoï annonçait que les investissements directs étrangers avaient doublé au cours des cinq premiers mois de l’année. 320 projets ont été approuvés par le gouvernement communiste, représentant 15,3 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros). Une tendance plus favorable qu’en 2007 où, sur les douze mois de l’année, l’Etat asiatique avait attiré 20 milliards de dollars de projets étrangers. Se maintiendra-t-elle ? Ou le taux de 21 % d’inflation publié en mai – en rythme annuel – découragera-t-il les entreprises étrangères en quête de bas coûts, toujours prêtes à continuer leur ronde planétaire ? »
Entrée d’une usine, près de Dalat, de thé à l’artichaut (excellent !)