Catégorie «Indochine»

Mgr Cassaigne, un missionnaire au service des lépreux

Le souvenir du Père Cassaigne est toujours aussi vivant, comme en témoigne la récente publication d’un remarquable ouvrage de photos historiques. Il faut dire que le Père Cassaigne est aimé tant en France qu’au Vietnam, et qu’une procédure de béatification a été décidée par les évêques vietnamiens en 2019.


Le Père Cassaigne en 1956

Mais revenons au début de son histoire. Jean Cassaigne est né en 1895 dans les Landes. Il a très vite l’esprit missionnaire et intègre les MEP en 1920. Il est nommé en Indochine en 1926 et rejoint les Haut Plateaux en 1927 avec pour mission de créer un nouveau poste à Djiring (Di Linh aujourd’hui), non loin de Dalat, auprès des ethnies minoritaires. Pas facile de se retrouver seul au milieu d’une nature hostile avec des montagnards démunis de tout. Il doit apprendre leur dialecte, le K’ho, et s’attache à publier les premiers lexiques de conversation. Mais son action est ébranlée à la suite de la mort d’une lépreuse, mise au ban de sa communauté. Il décide alors d’aider ces exclus en fondant une léproserie sur un terrain à quelques kilomètres de Djiring. Il veut sortir les lépreux de leur isolement et leur demande de participer à sa construction. Les chefs des villages aux alentours s’associent aussi au projet. En mars 1929, 16 paillottes sont construites, accueillant 21 lépreux. L’entraide gouverne la vie quotidienne. Les plus vaillants aident les plus atteints. Le père Cassaigne crée aussi une atmosphère de joie en organisant des fêtes. Les lépreux sont devenus « des personnes ». Des amis du père Cassaigne lui offrent une Citroën 5cv Trèfle. Elle servira aussi à faire fonctionner un projecteur de cinéma et diffuser les films de Charlot aux lépreux. Le succès est immédiat, les lépreux retrouvent la joie de vivre et le plaisir de rire. L’institut pasteur fournit les médicaments et l’administration finit par soutenir financement la léproserie. Bien sur, la dimension spirituelle de l’œuvre n’est pas oubliée. « La vocation d’un missionnaire, c’est d’aider et servir les malheureux et par la charité, les amener au Christ ». De fait, la plupart des lépreux se sont convertis au christianisme avant de mourir.


Le Père Cassaigne dans son bureau en 1926


La léproserie de Djiring en 1952, après la reconstruction

Les années passent, la léproserie prend de l’ampleur. Mais la maladie n’épargne pas le père Cassaigne. Il souffre depuis le début de fréquentes crises de paludisme qui le font souffrir. Il doit repartir en 1932 plusieurs mois en France pour se reposer. En 1938, il reçoit le soutien des religieuses qui viennent l’épauler dans la léproserie.


Le Pere Cassaigne (à droite) au milieu des siens avec le Père Parrel de Cai Mong en 1926

Ce qu’il appelle « une tuile » finit par se produire. Il est nommé vicaire apostolique (c’est-à-dire évêque) de Saigon en 1941. Lui, heureux au milieu des siens, habitué à la vie en brousse, se voit propulser au milieu des mondanités et des affaires du monde ! Son sacre en la cathédrale de Saigon vit la présence d’une délégation de ses chers montagnards, venus en costume « local ». Saigon en a gardé le souvenir pendant longtemps.
Le père Cassaigne, devenu Monseigneur, allait rester 14 ans à ce poste, assistant à tous les événements dramatiques de l’époque : l’occupation japonaise, le coup de force du 9 mars 1945, les combats avec le vietminh, la guerre d’Indochine… Il apportera du réconfort à tous aux souffrances de la guerre. Par ses actions, il en a impressionné plus d’un et notamment les occupants japonais. Le colonel Amano, officier responsable des liaisons avec les Français, finira même par se convertir au catholicisme à son retour au Japon.


Lors du « sacre » à Saigon, en 1941

Fin 1954, il découvre qu’il est atteint lui aussi de la lèpre. Il démissionne en mars 1955 pour reprendre son poste à Djiring. Il restera auprès de ses lépreux jusqu’à son décès, fin octobre 1973. Il est inhumé au milieu du village des lépreux.


L’église de Djiring en 1941

Aujourd’hui, le village existe toujours. Il est géré conjointement par les autorités vietnamiennes et les Filles de la charité Saint Vincent de Paul. La tombe du Père Cassaigne y est toujours honorée. Son souvenir reste vivace au sein de nombreux Vietnamiens.

En France, l’association « les amis de Mgr Cassaigne » est très active. Elle est à l’ origine de la publication du très beau livre dont sont tirées les photos présentées dans cet article. Le livre, riche de 162 photos, peut être commandé sur le site de l’association https://www.helloasso.com/associations/les-amis-de-mgr-jean-cassaigne/

Sources:
– photos: extraites du livre « Jean Cassaigne, l’évêque des lépreux », avec l’aimable autorisation de l’association.
– texte: d’après le site Ifra et le livre « La Lèpre et Dieu, Jean Cassaigne », de Louis et Madeleine Raillon.

A voir aussi:
– article de la revue Indochine parue en 1943 : ArticleIndochineCassaigne1943.pdf
– autre article, également paru dans la revue Indochine:leproserieDjiring.pdf
– carte du Haut Donai vers 1943, revue Indochine : carteDjiring1943RevueIndochine.pdf

Le peintre Mai Thu

Faut-il encore présenter Mai Thu ? Pour les gens de ma génération, il s’est fait connaitre en occident à travers les illustrations des cartes de vœux de l’Unicef, très en vogue avant l’arrivée d’internet. Les enfants aux traits simplifiés mais aux couleurs vives ont eu un immense succès.


Portrait d’une princesse royale présenté lors de l’expo de Macon

Mais Mai Thu, ce ne sont pas que des décors de cartes de vœux ou autres puzzles ! C’est un artiste aux talents multiples auquel l’exposition organisée en 2021 à Chalon sur Saône a rendu un immense honneur.
A défaut d’avoir pu voir l’exposition, je me suis rabattu sur le très beau livre édité à cette occasion. Un bel hommage pour cet artiste vietnamien mort en 1986.


L’un des tableaux exposés à Macon (source: livre de l’expo)

Rappelons que Mai Thu est né en 1906 près de Haiphong. Il est le fils du vice-roi de Bach Ninh, dans un milieu aisé donc. Il fait parti de la 1ere promotion de l’Ecole des Beaux Arts de l’Indochine à Hanoi, 6 élèves seulement. Cette école, voulue par Nan Son, va révolutionner l’art au Vietnam. Sous l’impulsion de Victor Tardieu, son fondateur et directeur, et d’artistes venus de France, l’enseignement vise à susciter un art aux techniques certes modernes mais puisant toute son inspiration dans le pays même. La peinture sur soie, le laquage sont ainsi revisités, les sujets ne sont plus uniquement religieux ou cultuelles. Mai Thu sort diplômé de l’école en 1930, au coté d’artistes devenus depuis célèbres comment Le Pho ou Nguyen Phan Chanh.

Les débouchés artistiques sont inexistants dans l’Indochine de cette époque. Les maisons traditionnelles des notables ne se prêtent guère aux peintures « modernes ». Mai Thu est donc nommé comme professeur de dessin au lycée Khai Dinh à Hué (futur lycée Quoc Hoc) ou il restera 6 ans.


Mai Thu à Hué, devant le pont Kho, peu avant son départ pour la France

Sur place, il en profite aussi pour approfondir ses dons de musicien notamment dans la pratique d’un instrument monocorde traditionnel. Il dessine aussi pour des revues de mode et participe à des concours de timbres postaux. Si son poste de professeur lui permet de vivre, il continue de peindre et d’exposer lors d’expositions organisées par son ancienne école, au Vietnam, au Japon et en Europe. En 1932, il expose notamment à la Résidence Supérieure de Hué au coté de peintres français comme Louis Rollet. Au cours de cette exposition, il vendra une toile à l’empereur Bao Dai. A la différence des peintres voyageurs français, qui privilégient les paysages, les artistes vietnamiens font de nombreux portraits, en sublimant notamment la beauté des femmes locales.


Mai Thu en train de peindre au tombeau de Tu Duc, à Hué (source: livre de l’expo)

En 1937, Mai Thu part pour la France, officiellement pour participer à l’exposition des arts décoratifs de Paris. Sans doute aussi pour rejoindre ce pays dont on lui dresse un portrait idyllique..C’est aussi pour fuir un mariage arrangé par ses parents ! Il part avec Le Pho et Vu Cao Dam qui, eux, connaissent déjà la France. Tous les 3 savent que la France leur offrira des débouchés que l’Indochine traditionnelle est incapable de leur fournir.

Les 3 artistes s’installent à Paris et participent aux salons des indépendants. Mai Thu s’engage dans l’armée française au début de la guerre. Il sera démobilisé en 1941 à Macon ou la bourgeoisie locale ne tarde pas à le remarquer et à lui commander des portraits.

De retour à Paris, il rompt avec la peinture à l’huile pour se consacrer entièrement à la peinture sur soie, afin d’affirmer ses origines et se distinguer des peintres français. La technique de la peinture sur soie nécessite une grande maitrise, car aucun repentir n’est possible. Il s’adapte aux contraintes occidentales en encadrant ses œuvres au lieu de les rouler comme en Asie.

Il expose fréquemment dans des galeries et il en vit confortablement. Dans les années 60, il multiplie les toiles dont des petits formats, accessibles à toutes les bourses. Les femmes vietnamiennes en « ao dai » lui assurent un grand succès tout comme les scènes de jeux, les enfants, la tendresse maternelle.
Il va progressivement simplifier les silhouettes, quittant ainsi le réalisme, en introduisant des couleurs plus vives. Son art est subtil, ses compositions sont totalement maitrisées.. « Ses enfants » repris par l’Unicef le feront connaitre mondialement. Perfectionniste, il attache aussi beaucoup d’importance aux cadres qu’il réalise lui-même.

Il évoque aussi fréquemment la souffrance du peuple vietnamien dans ses œuvres, en écho à une guerre sans fin.

Il meurt en 1980 à Clichy et il est enterré au cimetière de Vanves. Tombé dans l’oubli après sa mort, Mai-Thu, à l’instar d’autres artistes formés à l’Ecole des beaux-arts d’Hanoï, a retrouvé un succès grandissant dans les salles de ventes, en Europe ou à Hong Kong. Ses toiles sont aussi abonnement copiées. Mai Thu revient aussi en grâce auprès des autorités vietnamiennes, à juste titre car il a toujours défendu la paix dans son pays natal. Une rue porte son nom à Haiphong.

A voir:
– site internet http://www.mai-thu.fr/, par la fille de Mai Thu,
– les principales toiles présentées lors de l’expo de Macon en 2021, https://www.parisladouce.com/2021/07/expo-mai-thu-1906-1980-echo-dun-vietnam.html
– livre « Mai Thu, echo d’un Vietnam rêvé », lié a l’exposition de Macon
– article paru en 1932 sur l’exposition de Hué
1932_10_01_ExpopeintureHueRolletMaiThu.pdf

Il y a 90 ans : la Princesse Astrid et le futur roi Leopold III en Indochine

Qui se rappelle encore de la princesse Astrid aujourd’hui ? En France, probablement pas grand monde, mais en Belgique, tout le monde ! La reine Astrid, c’est un peu la princesse Diana de l’époque, les affaires de cœur en moins. Une énorme popularité pour celle qui est devenue la reine de Belgique en 1934.

Mais revenons au début de l’histoire..
Astrid est princesse de Suède et épouse le prince héritier Léopold III de Belgique en 1926 à l’âge de 21 ans. Astrid a toujours eu une vie simple et décontractée avec sa famille et continue sur la même lancée avec son mari. Ils ont alors 2 enfants, dont le futur roi Baudouin, avant de décider de partir en 1932 en Extrême Orient. Ils avaient décidé de partir au Japon, mais les visées expansionnistes des japonais en Chine les en a dissuadées. Cap donc sur les territoires français, anglais, hollandais et américains ainsi que vers le siam indépendant. Il s’agit d’un voyage d’étude pour éclairer le futur roi sur la manière dont les pays mettent en valeur leurs possessions.
Donc ils voyagent incognito ou presque, en participant à peu de réceptions.

C’est donc début 1932 qu’ils embarquent à Gênes pour faire une première escale en Égypte pour visiter les pyramides. Puis le couple princier arrive à Singapour, visite Kuala Lumpur et Penang en Malaisie, possession anglaises. Ils rejoignent ensuite le Siam en train, train tiré par une locomotive diesel, une grande première pour la princesse..

A Bangkok, ils peuvent s’attarder en toute simplicité aux multiples rayons d’un grand magasin belge.

Le couple royal au Laos

Le 18 février, ils prennent un train spécial pour le nord du Siam. Ils gagnent en automobile le Mékong, à Xieng Sen, où ils sont accueillis par les autorités françaises. Les voici donc en Indochine !

Ils n’ont pas choisi la voie la plus facile pour entrer en Indochine. Ils s’embarquent en effet sur deux pirogues à moteur pour un trajet de 3 jours sur le Mékong, jusqu’à Luang-Prabang. Toute cette région du haut Mékong, empreinte de grandeur sauvage, les intéressa vivement. Les jours suivants, sites et monuments furent visités par les hôtes du roi Sisavong Vong.


La RC7, la route Astrid, au Laos

Le Laos a cette époque est encore très isolé et les conditions de circulation bien compliquées. Aucune personnalité de marque ne s’était aventurée avant eux sur ces territoires. C’est donc une grande fierté pour le Laos d’accueillir le couple royal.

Le 2 mars, le duc et la duchesse quittent en automobile le royaume Laotien. Ils atteignaient la fameuse route des crêtes par mille mètres d’altitude, franchissant à cheval une partie du trajet, et à pied le reste. La route n’est en effet qu’un chemin muletier ou il ne faut pas s’attarder, les tigres étant nombreux.. Ils sont accompagnés de porteurs Kha. Ils passent par la plaine des jarres et continuent en automobiles jusqu’en Annam. 600 km viennent de passer pour arriver enfin à proximité de Vinh. La, un train spécial les conduit à Hanoi.


Accueil du couple par le gouverneur Pasquier à Hanoi

Accueillis par le gouverneur de l’Indochine Pierre Pasquier, ils restent quelques jours pour visiter toutes les réalisations françaises de valeur et même la Légion étrangère où ils serrent la main à une trentaine de Belges.

Ils font une excursion en baie d’Ha long et visitent les charbonnages de Hongay. Ils visitèrent aussi Haiphong et son immense cimenterie.

Le lendemain, départ en train pour Hué. Ils sont accueillis par le régent Ton That Han et vont rendre visite à la mémoire française de la ville, Mgr Allys, vicaire apostolique de la ville, retiré dans sa maison de Phu Cam depuis qu’il a perdu la vue. Ils restent 2 jours à Hué, à peine le temps de visiter tous les monuments que les touristes d’aujourd’hui connaissent.


La visite du couple au regent de l’Annam

Le 15 mars, ils quittent Hué en train puis en voiture pour rejoindre Dalat. Le 18, arrivée à Saïgon. Une journée fut consacrée à une promenade dans la ville élégante qu’est la capitale de la Cochinchine et dans Cholon, la « métropole du riz ».

Ce sera ensuite une visite à Phnom Penh et aux « ruines d’Angkor » comme on les appelait à l’époque.
Le 25 mars, le couple royal embarqua sur le bateau Georges Philippar pour rejoindre Hong Kong. Il faut savoir que ce luxueux bateau des Messageries Maritimes coulera moins de 2 mois après, des suites d’un incendie, faisant plus de 49 victimes.

De Hong Kong, ils iront aux Philippines, où le Duc enrichira ses collections de reptiles, d’insectes et de plantes rares. Ils feront ensuite un arrêt aux Célèbes, un autre à Bornéo, pour quinze jours de jungle, et d’autres à Bali, à Java et à Batavia (Jakarta).

Ils embarquent enfin le 27 mai 1932 sur le MS Baloeran, un paquebot hollandais, pour leur retour en Europe et accosteront à Marseille.


Photo publiée dans l’Excelsior au retour du voyage du couple

Quelques mois plus tard, Astrid devient reine des Belges lorsque son époux prête le serment constitutionnel le 23 février 1934.


La reine Astrid en tenue orientale

Mais en 1935, c’est le drame. Alors qu’ils sont en vacances en suisse sans leurs enfants, Léopold III décide de conduire lui-même sa nouvelle voiture Packard. Il en perd le contrôle, et sa femme meurt sur le coup. C’est un immense choc pour la Belgique. 500 000 personnes viendront rendre hommage à la défunte dans la chapelle ardente et ses funérailles, le 3 septembre 1935, seront suivies par des millions de personnes à travers l’Europe.

L’histoire n’est pas tout à fait finie pour l’Indochine. En 1938, la route de Luang Prabang à Vinh, la RC 7, est inaugurée. Elle portera le nom de la Reine Astrid. Un monument est dessiné par l’architecte Lagisquet, bien connu à Hanoi, et réalisé par le sculpteur George Khanh. Ce monument était positionné à Phu Dien, à l’intersection entre la route Astrid et la route mandarine, 6 ans après le passage du couple royal.


Le circuit du couple royal en indochine

Sources principales: gallica, les annales coloniales (mars 1933), journal Le Temps et Excelsior, L’eveil Economique, internet

Saigon: la villa de l’ancienne rue Testard sauvée!

En 2014, j’avais fait un article (1) sur une maison ancienne vendue plus de 35 millions de dollars à Saigon. Compte tenu du prix et de la surface, je pensais que nous aurions quelques années plus tard une immense tour moderne à la place. Et bien, j’ai eu tort ! La maison, achetée par une riche famille vietnamienne, a été restaurée pendant plusieurs années et sera d’ici peu ouverte au public.


La villa vue du ciel

On en sait un tout petit peu plus sur cette villa. Suite à l’acquisition de 2 terrains, le propriétaire d’origine, un certain Nguyen Van Nhieu, fait construire cette villa entre 1927 et 1930. Il semble qu’elle ait été donnée à la location ensuite. Elle a servi notamment à l’accueil de bureau de l’armée de l’air en 1946. Le domaine est vendu à une autre famille vietnamienne en 1950 qui l’occupera jusqu’à sa vente en 2014. Le fait que la maison soit restée aux mains de vietnamiens l’a certainement protégée du démentiellement après 1975.

Rappelons que cette maison est située entre 3 rues différentes (Vo Van Tam, Ba Huyen Thanh Quan et Nguyen Thi Dieu), son entrée principale est au 110-112 de la rue Vo Van Tan, anciennement rue Testard.


L’escalier central est probablement la partie la plus impressionnante de la maison. On remarquera le carrelage qui est singulier

Une équipe italienne et anglaise a restaure les intérieurs, et notamment les peintures murales. On parle d’un budget de 20 millions de dollars pour la restauration.

L’ouverture est annoncée pour le 4eme trimestre 2022. Il semble que la maison sera un haut lieu de la gastronomie vietnamienne, mais aussi servira d’espace pour des expositions ou des évènements culturels.

Toutes les photos proviennent du site officiel sur internet https://villalevoile.com/ et sur facebook.

(1) https://blogparishue.fr/35-millions-de-dollars/

Elargissement de la rue Hanoi à Hué

A une époque ou l’on cherche à réduire le nombre de voiture dans les centre villes, les vietnamiens préfèrent continuer à élargir les rues pour en faire des routes.. C’est le cas de la rue Hanoi qui fait partie de l’axe de circulation du nord au sud de la ville. L’objectif affiché est de réduire les embouteillages dans le centre ville..


Le rue Hanoi, vue du ciel (source internet)

Cette rue, de presque 1km de longueur, fait actuellement 24 mètres de large, avec 4 voies. Elle passera 36 mètres de large quand les travaux seront terminés. Il faudra traverser les 8 voies de circulation, un beau challenge pour les piétons, dont les touristes. Heureusement, l’hôpital est tout proche !

Les arbres, qui faisaient aussi la beauté de la rue, ont été enlevés pour la moitié, certains coupés , d’autres déplantés pour être replanter ailleurs.

Grace à l’existence de l’église Saint Francois Xavier, dont l’arrière donne sur cette rue, les maisons ne seront pas démolies. En revanche, sur l’autre coté, les bâtiments sont soit détruits soit ratiboisés.

Du temps des français, la rue s’appelait « rue Henri Rivière », nom du célèbre officier de marine qui mourra en 1883 lors de la conquête du Tonkin. La rue partait du cercle nautique, le long de la rivière des parfums (le bâtiment existe toujours) et allait jusqu’au rond point de la gendarmerie (bâtiment détruit il y a une dizaine d’années)

Sur cet axe restaient 2 maisons anciennes qui vont être démolies.

La première est une imprimerie, bâtiment d’un seul niveau, située à l’angle de la rue Riviere et de la rue Pasteur.


Une jolie piece circulaire, dans le batiment de l’imprimerie

La deuxième est une maison particulière dont je cherche à identifier l’ancien propriétaire.


Vue de la fenêtre du 1ere étage de la maison


Vue de la porte d’entrée, avec les initiales KT – TT

Elle est située juste au niveau de l’arrière de l’église, de l’autre coté de la rue. S’agit-il de la maison de la famille Sogny (Léon Sogny était le chef de la sureté d’Annam, décédé en 1947), de la famille About ou de la famille Chenevier ? (familles présentes à Hué en 1945).
Jusqu’à sa destruction, elle était occupée par l’association des anciens combattants.

S’ajoute aussi à ces bâtiments l’ancien kiosque du jardin public.. Le jardin a été transformé en un parc d’amusement avec une piscine à toboggans… et quelques batiments.

C’est un peu de l’histoire de Hué qui disparait !

La mosquée indienne de Hué

Pour les quelques Huéens que nous avons interrogés, il s’agit d’un temple hindou.. Mais ce n’est pas un temple, c’est une mosquée construite par et pour des indiens musulmans. Elle est tellement discrète et bien cachée qu’il m’a fallu plusieurs années à Hué pour apprendre son existence. Etonnamment, même Tim Doling n’en parle pas dans son guide pourtant très exhaustif (1) et c’est un petit plan sommaire de la ville, distribué dans quelques hôtels de la ville, qui indique son emplacement !

Elle se situe dans une étroite ruelle au niveau du 120 de la rue Chi Lang, située dans le quartier Gia Hoi, autrefois la partie commerciale de la ville occupée principalement par les chinois.

Grace aux informations collectées aux archives des colonies à Aix en Provence (2), on sait que cette mosquée a été construite en 1921 à la demande des musulmans locaux, une communauté de 35 personnes. La demande de permis de construire a été formulée par des sujets britanniques. Ces musulmans étaient probablement originaires de la région de Madras, au sud de l’inde. On sait en effet que la plupart des musulmans indiens présents en Indochine provenaient de cette région. Ils ont érigé des mosquées non seulement à Saigon, Hanoï et donc hué, mais aussi à Mytho et Tra Vinh. Ils parlaient le Tamoul.

Dans un livre sur Hué, on estime la communauté indienne en 1905 à 10 individus seulement. Les chinois sont estimés la meme année à 450 personnes. La ville à l’époque avait 60.000 habitants.

Dans l’annuaire de l’Indochine de 1925, deux commerces indiens sont signalés à Hué :
KASSIMSSAH, mercerie et divers, rue Paul-Bert.
MOUGAMADOU ISSOUMESAH, marchand d’étoffes, rue Paul-Bert.
La rue Paul Bert est la rue actuelle Trang Hung Dao, et c’était la « nouvelle » rue commerçante de la ville, face au marché Dong Ba.

12 ans plus tard, toujours dans l’annuaire de l’Indochine, on note trace de 2 commerçants indiens:
AVE-MOHAMED ISSOUP, Tissus en gros et demi-gros, au 143 rue Paul Bert et toujours Issoumessah. Ces 2 commerçants font partis de la centaine de personnes ayant le téléphone à cette époque à Hué. On peut donc en déduire que ces indiens étaient des commerçants importants de la ville. Dans un autre ouvrage, on indique que les indiens de Hué faisaient toujours venir leur marchandise de Tourane. Le tissus provenait de Singapour ou de Bombay.

Et quand on interroge les « anciens » de Hué, on nous parle toujours tissus. Ces indiens vendaient des tissus aux motifs uniques, des soieries introuvables ailleurs et toujours à des prix très raisonnables. Près de la mosquée, on nous a parlé aussi d’un vendeur d’épices et de curry. Les indiens de Hué ont-ils fait souche ? on n’a trouvé aucune famille d’origine indienne à Hué. La plupart des indiens sont partis sous la période Diem (1955—1963) et en 1975 pour les derniers. Les restaurants indiens actuels sont des implantations récentes.


La porte du lieu de culte

Sur l’unique carte postale trouvée sur les indiens de Hué, sans doute prise dans les années 20, on voit plutôt un commerce d’objets en argent.

Mais revenons à notre mosquée. A l’époque, le terrain allait jusqu’à la rivière. Apres 1975, les terrains ont été cédés à de nouveaux habitants. Quant à la mosquée elle-même, elle a été vendue à une famille de fonctionnaire qui la possède toujours, mais ne l’habite plus.


On distingue le mihrab, niche creusée dans le mur pour indiquer la Mecque.

Il faut dire que la surface n’est pas très grande, à peine 100 m2 tout compris et pas plus de 50m2 pour les parties habitables. On note de nombreuses colonnes et arches. A l’intérieur, on retrouve toujours le mihrab qui indique la direction de la Mecque. En revanche, pas de trace du bassin pour les ablutions. Pas vraiment non plus de minaret. Le carrelage est superbe, on le retrouve dans de nombreuses constructions de ces années là.

Les photos ont été prises en 2020 ou nous avons eu la chance de pénétrer à l’intérieur sans pour autant rencontrer le propriétaire. La propriété s’est assez dégradée depuis.

(1) Exploring Hue, Tim Doling, disponible au Vietnam
(2) Merci au groupe de recherches mené par Caroline Herbelin pour ses précieuses informations