Quand je suis arrivé au Vietnam il y a 10 ans maintenant, le premier conseil qu’on m’ait donné était soit d’acheter un terrain, soit de mettre mon argent à la banque et d’attendre les intérêts ou les plus values! J’ai aussitôt répondu que je n’étais pas venu au Vietnam pour spéculer…
Ma réponse ne serait pas aussi catégorique aujourd’hui ! Car c’est certain, les prix du foncier ne font que croitre…
Plusieurs raisons à cela.
D’abord l’une des plus fortes populations, soutenue par une natalité toujours dynamique. On est presque 100 millions d’habitants au Vietnam..
Ensuite parce que la richesse de la population augmente vite. On estime à 9000 dollars la moyenne des revenus par habitant, en croissance régulière depuis de nombreuses années. Cette moyenne cache des disparités importantes, mais il est clair que « les riches » sont de plus en plus riches et ont des moyens financiers importants.
Autre raison, liée sans doute à l’origine paysanne des vietnamiens : investir dans la terre a toujours été leur premier reflexe.
La fiscalité est aussi bien sur une autre raison : entre membre d’une même famille, les biens fonciers peuvent se transmettre sans droit de succession.
Et aussi la conviction, rarement prise en défaut, que les prix du foncier vont toujours monter.
Un terrain à vendre dans notre ruelle, à 3km de l’hyper centre: 700 euros le m2, pour 119m2 (19 mvnd/m2), soit 83.000 euros
Cette hausse des prix est difficile à quantifier. A la différence de la France, il n’y a aucune statistique. Les prix au m2 par quartier sont inconnus et il faut aller sur internet pour observer les prix demandés par les vendeurs. Sinon, il faut interroger les habitants pour connaitre les prix du marché. Et encore ! Chacun a son opinion sur la valeur de son bien avec des arguments qui défient parfois la raison. Les terrains en bordure de routes ou à fort passage sont bien sur ici privilegiés..
De fait, les prix sont souvent irrationnels. Un acheteur d’Hanoi qui vient à Hué va trouver les prix très bon marché et va se précipiter pour acheter un bien s’il est bien « conseillé ». C’est aussi cela le caractère vietnamien : toujours dans la précipitation, toujours prêt à croire les rumeurs sans jamais vérifier objectivement la situation.
Le covid a supprimé pas mal d’emplois un peu partout dans le pays et certains se sont sentis pousser des ailes d’agents immobiliers. Il n’y a pas ou peu d’agences immobilières au Vietnam, les vietnamiens n’étant pas prêts à dépenser 7 à 10% du prix dans des commissions. Sans capital, la vente d’un bien rapporte 2% à un agent immobilier. Mais les profits sont bien plus considérables lorsque vous spéculez vous-même. Un article de VnExpress du 28 mars 2021 (1) parlait récemment de la formidable hausse des prix dans certaines zones périphériques de Hanoi ou d’Ha long. On parle de prix multipliés par 5 en l’espace d’un an. L’explication est toute vietnamienne. Les courtiers achètent des terrains avec de l’argent emprunté aux banques, créent de fausses rumeurs de construction d’infrastructures, poussent les acheteurs potentiels à acheter très vite.. et puis, quand le filon est épuisé, tous ces spéculateurs s’en vont sur une autre zone, comme une volée de moineaux.. L’un d’entre eux dit même au journaliste qui l’interroge « il n’y a rien de plus rentable, sauf peut être le trafic de drogue ! »…
Et à Hué ? Avec ma femme, nous avons acheté un terrain il y a 2 ans en vue de construire notre maison. Un terrain situé en périphérie, dans un village, proche de la rivière des parfums et face à une superbe rizière. Nous nous sommes dit que nous aurions sans doute 10 ans de tranquillité avant que la ville vienne jusqu’à nous. Peine perdue, la zone a été intégrée à la ville de Hué quelques mois après et la belle rizière s’est transformée en un lotissement. Plus question pour nous d’habiter là bas. Seule consolation, on nous dit que la valeur de notre terrain a été multipliée au moins 3 fois…
Cette spéculation est entretenue par une fiscalité pour le moins clémente. Alors que les plus values foncières sont taxées à 36% en France, ici, il n’y a qu’une taxe de 2% sur le prix de vente, payable par le vendeur, auquel s’ajoute 0,5% de droits d’enregistrements… pas de quoi refroidir les spéculateurs ni enrichir l’Etat.
Comment développer un pays avec de telles règles ? C’est un grand mystère pour moi. De plus, les dépôts bancaires n’étant pas fiscalisés non plus, il est clair qu’il vaut mieux être rentier que salarié.
N’allez pas croire non plus que cette hausse est liée à la faiblesse des prix ! les prix du foncier sont plus chers qu’en France !
Ne rêvez pas trop non plus ! L’achat de terrains est réservé aux vietnamiens. Les étrangers, même mariés à des locaux, ne peuvent jamais devenir propriétaires à titre privé (sauf cas particulier des condominiums).
(1) https://e.vnexpress.net/news/business/industries/people-enter-realty-business-en-masse-as-property-market-bubbles-along-4254580.html